Henri Zuber's Map of Korea (published in the Bulletin of the French Geographic Society, 1870)
 

Bulletin de la Société de géographie

 

Tome XIX de la 5ème série

 

Mémoires, Notices, etc.

 

P.417

 

NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE. (1)

 

PAR H. ZUBER.

 

En 1866, une cruelle persécution, qui coûta la vie à neuf missionnaires, motiva une expédition militaire française en Corée. Pendant cette expédition, un matelot trouva dans la ville de Kanghoa, prise le 16 octobre, une grande carte indigène du plus haut intérêt. Traduite par MM. Ridel, Féron et Calais, trois missionnaires qui avaient heureusement échappé aux poursuites, cette carte a servi de base au travail que nous avons eu l'honneur d'oifrir à la Société de géographie. En la comparant à la carte hydrographique du Dépôt de la marine, nous pûmes nous convaincre que les latitudes étaient à fort peu près exactes,

et avaient dû être calculées astronomiquement. Les erreurs de longitudes, plus considérables, n'altéraient cependant pas beaucoup la forme générale du tracé, à cause du peu de largeur de la presqu'île dirigée normalement à l'équateur.

 

Il nous fut donc possible de faire entrer le travail topographique coréen dans un cadre obtenu par la comparaison de plusieurs documents européens (2), et d'obtenir ainsi une carte qui approche beaucoup de l'exactitude.

 

(1) Voyez la carte à ia fin de ce numéro.

 

(2) Carte da Dépôt de la marine.

Carte de la marine anglaise.

Carte de l'embouchure du Han-kang et de l’archipel du Prlnce Impérial, levée par les officiers de l’expédition de 1866.

Levé partiel du bras nord da Han-Kang par le capitaine du Roux.

 

418 NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE.

 

Les distances des différentes villes à la capitale, Séoul étaient dans la carte originale exprimées en lis chmois. Cette mesure étant justement égale au dixième de la lieue marine de vingt au degré, nous avons réduit toutes les distances en lieues.

 

La position géographique de Séoul a été trouvée, en 1866, de 37° 31' latitude nord, et 124° 34' 30" longitude est. Plusieurs séries d'observations dans l’intervalle desquelles les montres avaient été réglées en Chine, donnent à la longitude toutes les chances d'exactitude.

 

La déclinaison de l'aiguille aimantée était, en 1866, à Séoul, de 3' 08' nord-ouest.

 

La carte coréenne était accompagnée d'une légende dont nous transcrivons la traduction textuelle.

 

La montagne Paik-tou-san (montagne au sommet blanc) a deux sommets, l'un au nord, l'autre à l'ouest — Il est impossible d'en mesurer la hauteur. Au sommet, il y a un lac de 20 à 30 lis de tour. L'eau en est noire, et l'on n'en peut mesurer la profondeur. Il y a de la neige et

de la glace jusqu'à la quatrième lune (l). La blancheur se fait remarquer au loin, et le sommet ressemble à un grand vase blanc. Il est déchiqueté comme un vase dont l'ouverture serait tournée vers le ciel. Le cratère est blanc à l'extérieur et rouge avec des veines blanches à l'intérieur. Du côté du nord, il en sort un ruisseau de 1 mètre de profondeur qui tombe en cascade, et forme la source du fleuve Heuk-yeung (dragon noir).

 

A 3 ou 4 lis (2) du sommet de la montagne, le Heuk-yeung se divise en deux branches dont l'une est la source du fleuve Hap-nok-Kang (canard vert) qui sépare la Corée du Leao-tong.

 

Limite frontière. — Un mandarin chinois vint, par ordre de l'empereur, fixer les frontières; ce fut, du côté

 

(1) Fin de mai.

 

(3) 1,665 ou 2,220 mètres.

 

 

 

NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE. 419

 

de l’ouest, le fleuve Hap-nok. Da côté de l’est, la porte de terre. Le mandarin du lieu fit graver ces limites sur une pierre, le quinzième jour de la cinquième année de Hong-ki.

 

La montagne de Tchil-po (les sept beautés) avec ses mille sommets très-élevés, a des rochers découpés d’une manière si admirable, qu'ils semblent l'œuvre des génies.

 

La montagne Tchang-paik-san est sur le territoire des six villes, et ses ramifications s'étendent sur plus de 1000 lis. Haute, grande, avec des ravins profonds et dangereux, de creuses vallées, elle est ardue, sans chemin tracé, peu boisée, inhabitable enfin. La neige n'y fond qu'à la fin de la cinquième lune (1), et y reparait à la septième. Elle doit son nom (longue montagne blanche) à la couleur de ses rochers.

 

Autrefois, le territoire de la province de Ham-Kieung-to formait le royaume de Ok-tcho. Au temps de la dynastie chinoise des Han, cette province fut réunie au territoire de Hieun-to.

 

Sous la dynastie des Tang et le règne de Kaïa-neu, elle fut possédée par la grand famille des Par-hai. Puis, sous la domination de Nieu-tjin, elle s'étendit jusqu'à Thiang-piang. Sous la dynastie Ko-rio et le règne de Yé-tchong, Nieu-tjin fut chassé, et le roi de Corée s'empara de neuf cantons ; ce qui restait à Nieu-tjin de ses provinces tomba au pouvoir des Mongols sous le règne de Po-tchong; c'étaient les territoires au nord de Yen-haï. Mais le roi Kong-min, dans la cinquième année de son règne, les reprit sur les Mongols, et bâtit les villes de Kil-tjou et Kieung-san. Sous la dynastie actuelle des Ni, le premier roi dans la septième année de son règne, fonda les villes de Kong-tjou et de Kiang-tjou. Dans la treizième année de son règne, Taï-chong changea le nom de cette pro-

 

(1) Commencement de Juillet.

(2) Fin d’août.

 

 

420 NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE.

 

vince en celui de Yenn-Ril-to; et Sie-tcbong, dans la dix-neuvième année de son règne, la divisa en six districts, et y bâtit autant de villes. Seuk-tchong, dans la dixième année de son règne, bâtit Mou-san ; Tchieun-tchong, dans la onzième année de son règne, bâtit Tchang-tchin ; et Soun-tching, dans la vingt-deuxième année de son règne, bâtit Hou-tjou.

 

 

SUPPRESSION DES QUATRE VILLES POUR FORMER LE DÉSERT, FRONTIÈRE ENTRE LA CHINE ET LA CORÉE.

 

C'étaient les villes de Yeu-rieun, Ho-neul, Tcha-tchong, Mou-tchong. Elles avaient été fondées par Sie-Tchong ; elles furent supprimées la première année de Lie-Tcho. Tcha-tchong et Ho-neul étaient très-rapprochées de Si-mian dans le Leao-Tong. Les territoires de ces quatre villes étaient fertiles, les routes faciles, les montagnes peu élevées, les plaines de 20 à 80 lis d'étendue. Tout le terrain compris entre Tcha-tchong et Mou-tchong, d'une étendue d'environ 70 à 80 lis, est très-habitable.

 

La montagne Nang-lin, à la frontière des provinces Ham-Kieung et Pieun-an, a des ramifications très-nombreuses, tortueuses et très-élevées. Elle s'étend dans toutes les directions jusqu'à 50 ou 60 lis; elle est impénétrable. Du côté du sud, elle rejoint les montagnes de Keun, O-tai et Tai-paik que traverse la rivière Han. Une ramification s'étend au nord jusque dans le désert des quatre villes abandonnées; une autre s'étend à l'ouest jusqu'aux pics de Seun-tchi-eun, près de l'embouchure du Hap-nok-kang. Cette chaîne forme comme une enceinte naturelle à la Corée.

 

Du temps du roi Tau, on nommait la Corée simplement Tcho-seun (extrême Orient). Il en fut de même du temps de Riei-tja et Oui-man ; mais, sous la dynastie

 

NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE, 421

 

chinoise des Han, on divisa Tcho-seun en quatre provinces:

 

1 Nak-nang, comprenant 25 cantons.

 

2 Hieun-teun, — 8 —

 

3 Hin-teun, — 15 —

 

4 Tchin-peon, — 15 —

 

Sons la dynastie coréenne des Silla, elle fut divisée en neuf provinces :

 

1 Yang-tjou, avec 47 villes.

 

2 Sang-tjou, 42 —

 

3 Kong-tjou, 42 •—

 

4 Tîng-jou, 43 —

 

5 Tjeung-tjou, 42 —

 

6 Mon-tjou, 58 —

 

7 Han-jou, 78 —

 

8 Sak-tjou, 39 —

 

9 Mieun-tjou, 35 —

 

Sous la dynastie coréenne des Korio, elle fut divisée en huit provinces :

 

1 Tchin-ie 13 Villes.

 

2 Ouang-kouang-to. 109 —

 

3 Kieong-san-to 128 —

 

4 Tcheun-na-to. 104 —

 

5 Kien-tjou-to 28 —

 

6 So-haï-to 25 —

 

7 Fou-kie. 45 —

 

8 Pouk-nie. 52 —

 

La montagne Tai-paik-san, située à la jonction de trois provinces, a environ 200 à 300 lis de circuit. Elle est formée par une multitude d'autres petites montagnes que l'œil chercherait en vain à classer. Elle a de nombreuses et profondes gorges, des sommets élevés, qui, vus de loin, offrent un spectacle saisissant. Le fleuve Nak-tong y prend sa source. Au sommet, on trouve un large plateau où l'homme pourrait dresser une habitation et y vivre, a

 

 

422 NOTE SUR LA CARTE DE CORÉE,

 

l’air glacial et la gelée qui y sont précoces ne l'en empéchaient.

 

Malgré les précipices qu'on y rencontre en grand nombre, il y a une route qui la traverse.

 

La montagne Pal-Rong-san est environnée de cinq villes; elle a 200 lis de tour. Ses sommets, comme entrelacés, semblent se jouer les uns dans les autres. De nombreux ruisseaux s'en échappent ; mille autres choses en font une montagne remarquable.

 

Le sommet du midi est garni d'une muraille appelée Ka-san.

 

La montagne Teuk-sou-san est très-étendue et en forme de gradins. La terre en est bonne et très-fertile ; l'eau s'en échappe avec abondance ; ses gorges sont profondes, et, à ses pieds, s'étendent d'immenses terrains excellents. De tout temps cette montagne a été nommée la terre de félicité.

 

Nous joignons à cette légende la traduction de quel-ques termes géographiques coréens :

 

Kio, pont; pang, grand quartier; tong, subdivision du précédent; pong, pic; hieun, col; sa, bonzerie ou pagode ; méun porte ; yeung, lieu où il y a des soldats ; rieung, haut passage dans les montagnes ; ti, lac ; kang, fleuve, rivière ; san, montagne; po, port; to, île, territoire ou province.