Henri Zuber in Korea

extract from pages 53 - 54 of:  Denis Blech, Henri Zuber (1844-1909): De Pékin à Paris, Itinéraire d'une Passion. Paris: Somogy. 2008.


Un mois se passe en escarmouches et embuscades. Le 10 novembre 1866, Henri reçoit le baptême du feu à l'occasion de l'assaut d'un fort situé à trois lieues de Kang-Hoa. Cette pagode fortifiée de Trieun-tong-sa [Jeondeung-sa] doit accueillir un groupe de Coréens, chasseurs de tigres et habiles tireurs qui viennent de passer sur l'île de Kang-Hoa. Alors que la colonne s'approche à quelques mètres de la porte du fort qui semble inoccupé, une fusillade éclate, les balles sifflent de tous côtés. Chacun essaye de se cacher, cinq officiers et trente-huit hommes sont blessés; Henri, qui est en tête de la colonne, n'a pas une égratignure. On s'embusque comme on peut, mais la position est très dangereuse, la retraite risque d'être coupée, les hommes n'ont pas déjeuné et le cheval qui porte le repas est passé à l'ennemi! La compagnie se retire avec ses blessés; aussitôt, les murailles du fort se couvrent de 1500 Coréens fiers de leur victoire. «Ils avaient fait leur devoir, écrit Henri, et pourquoi leur en vouloir? Notre agression était-elle donc si juste? La population avait-elle eu tort de se joindre aux soldats qui défendaient leurs biens? Non assurément.»


            Lisons la fin du récit qu'il écrit à sa mère: «Nous venons de subir un échec désastreux à tous égards. L'ennemi allait s'enhardir puisque nous n'étions plus invincibles, et nos marins se découragent. On ne saurait trop louer pourtant leur bravoure: pour des marins peu habitués à la marche, faire dix lieues dans une journée, combattre et porter les blessés pendant cinq heures sans un seul traînard témoigne d'ûrre grande énergie. Le soleil était couché quand nous arrivâmes, le quart des hommes et la moitié des officiers étaient écharpés, les autres pleins de tristesse. Maintenant l'évacuation va commencer sans tarder.»


En effet, l'amiral Roze, ne recevant pas de réponse du roi de Corée à son ultimatum et craignant l'approche de l'hiver, annonce dès le lendemain le retrait de l'escadre qui retourne en Chine, laissant les Coréens maîtres de leur sol et fiers de répéter dans tous les Yamen de Chine qu'ils ont «battu l'amiral, tué ses soldats et forcé à se rem¬barquer». Le meurtre de nos missionnaires est si peu vengé que tous les chrétiens sont alors mis à mort, sans exception.

Le jugement de l'enseigne Zuber est sévère; dès le 12 septembre, il écrit: «Nous n'avons aucun traité avec la Corée, la religion chrétienne y est abhorrée, et les missionnaires qui se risquent dans ces pays savent le sort qui les attend. La politique n'a rien à voir dans leurs affaires. Bien des gens considèrent le missionnaire comme une sorte d'agent diplornatique et dénaturent ainsi le caractère de l'institution apostolique. Les passions et les intérêts sont mis en jeu et l'idée chrétienne fait place à cette détestable politique d'envahissement qui caractérise l'Européen dans l’Extrême-Orient.»