Sur la Corée Alexandra Myrial (Alexandra
David-Néel)
Mercure de France
Volume XLIX No. 169, janvier 1904, pages 97 - 110
Alexandra David-Néel was a woman with a most
extraordinary life history. Most
important in the French Wikipedia text is :
« en 1889, elle se
convertit au bouddhisme, ce qu'elle note dans son
journal intime, paru en 1986
sous le titre de La
Lampe de sagesse.
Elle a 21 ans. La même année, pour se
perfectionner en anglais, langue indispensable à une
carrière d'orientaliste,
elle va à Londres où elle fréquente la bibliothèque du
Musée britannique et
fait par ailleurs la connaissance de divers membres de
la Société théosophique.
L'année suivante, de retour à Paris, elle s'initie au
sanscrit et au tibétain
et suit divers enseignements au Collège de France, et
à l'École pratique des
hautes études sans toutefois y passer d'examen. Pour
Jean Chalon, c'est au
musée Guimet qu'est née la vocation d'orientaliste et
de bouddhiste d'Alexandra. »
This must be how she met and spent time talking to
Hong Jong-u. « Durant les
saisons 1895-1896 et 1896-1897, sous le nom
d'Alexandra Myrial, Alexandra David
occupe l'emploi de première chanteuse à l'Opéra
d'Hanoï. » She married Philippe
Néel in 1904. She also sometimes used the name
Alexandra Myrial when publishing
on orientalist topics. Her text echoes things that she
recalled from talking with Hong. Dans ces derniers temps, l'attention du public
a été tout
spécialement attirée sur la Corée, pays lointain
jalousement convoité par les
Russes et les Japonais. Quelques détalls sur cette
contrée peu connue peuvent,
ce me semble, présenter un certain Intérêt pour le
lecteur en qui le nom de la
grande presqu'île n'éveille, le plus souvent, que la
vague notion géographique
d'une région quasi-barbaré, située à l'autre bout du
monde. La Corée—
officiellement Tchio-Shen,
royaume de
la Sérénité du Matin–est, certainement, à l'heure
actuelle, celui des pays
d'Extrême-Orient qui nous est le moins familier. Si,
depuis quelques années,
les données ethnographiques que nous possédons à son
sujet se sont rapidement
accrues, le nombre des personnes au courant de son
histoire est encore des plus
limités aussi, est-ce sur le passé politique de cet état
asiatique que
porteront ces notes succinctes. Ainsi que tous les peuples orientaux, les
Coréens font
remonter leur histoire à la plus haute antiquité. Les
insulaires de Tsiei-tsiou
ou Tchae-tchiou, dans la mer de Corée (C'est
l'île designé sous le nom de Quelpaert par les Occidentaux), vont
jusqu'à prétendre que leur
montagne sacrée, le Pak-than-san ou
Halla san, fut
le berceau du genre humaln.
A l'origine de la terre, dit la légende, il
n'existait ni
hommes, ni bêtes, ni végétaux. Ces derniers et les
animaux furent déposés, sur
le Halla San,
par les nuages. Quant
aux hommes, Ils surgirent du sommet de la montagne. Ils
étaient au nombre de
trois et se nommaient Ko, Pou et Yang. Ces ancêtres de
l'humanité descendirent
avec majesté vers la plaine, tout en discourant de
questions philosophiques (?)
et en agitant de profonds problèmes. Arrivés au bord de
la mer, ils aperçurent
trois grandes boîtes que les vagues portaient doucement
au rivage. Ils s'en
emparèrent, les ouvrirent et y trouvèrent trois femmes
d'une extraordinaire
beauté qu'ils épousèrent aussitôt. L'orgueilleuse tradition des Coréens de Tchae-tchiou
est, malheureusement pour
eux, fortement battue en brèche par certaines chroniques
chinoises et
japonaises qui attribuent, à leur fameuse montagne
sacrée, une origine
volcanique relativement récente, postérieure de dix
siècles à l'ère chrétienne.
Moins ambitieux, les Coréens de la terre ferme
commencent
leur histoire à 3 siècles av. J.-C., ne le cédant, que
de trois siècles environ
à la chronologie officielle des Chinois, datée de la 61"
année du règne du
grand empereur Hoang-ti
(2637 ans av.
J.-C.). Les vieux historiens rapportent que, la
sixième année du
règne de l'empereur chinois Yao, un ermite vint fixer sa
demeure sur le mont Taihakou (selon
une autre version il
descendit miraculeusement sous un arbre de santal).
Pleins de vénération pour
son savoir et ses vertus, les indigènes le nommèrent roi
sous le nom de Tankoun.
Ce souverain vécut 1668 ans puis fut enlevé par des
génies qui le conduisirent
dans les demeures célestes. Le lettré Hong-tjyong-ou, avec qui j'ai eu de
longs
entretiens sur le passé de son pays, place l'arrivée de
Tankoun en Corée, vers
l'an 2358 avant notre ère. D'après la chronologie
chinoise, l'empereur Yao
aurait effectué sa sixième année de règne en 2822 av.
J.-C. mais j'estime que
ce détail est de fort médiocre importance lorsqu'il
s'agit de personnages dont
l'âge atteint un chiffre aussi respectable de siècles. Hong-tjong-ou, dont l'esprit était trop
cultivé pour
admettre la réalité de cette légende fantastique,
tentait de l'expliquer de la
manière suivante : On trouvé dans le Chou-king
(le livre des Rois des Chinois) un passage où il est
rapporté que l'empereur Yao
envoya l'un de ses hauts fonctionnaires vers une
montagne située à l'Est de sa
capitale et derrière laquelle le soleil semblait se
lever. Ce seigneur, nommé Ghi-Tciou,
avait pour mission de
s'établir sur la montagne désignée et, là, de saluer
chaque matin, au nom de
son souverain, l'astre du jour émergeant de l'horizon
(Telle est la version
d'Hong-tjyong-ou, mais le texte du Chou-king
semble plutôt indiquer que l'envoyé devait se livrer à
des observations
astronomiques et non à une cérémonie à tendances
astrolatriques.). S'appuyant
sur ce texte, Hong-tjyong ou suppose que le mystérieux
ermite Tankoun pourrait
bien etre Ghi-Tciou,
l'émissaire de Yao.
L’hypothèse est fort plausible. L'empereur Yao
est, en
effet, représenté par les chroniques comme très épris
d'astronomie. Il envoya
des savants dans la direction des quatre points
cardinaux pour y faire des
observations sur la longueur des jours et la position de
certains astres. Dans
un entretien qu'il a avec les chefs du tribunal
d'astronomie et de religion, ce
monarque établit que l'année de 365 jours était en
usage, dans son empire, plus
de deux mille ans avant notre ère. En dehors de ce que rapportent des légendes et
de vagues
traditions, il n'existe aucune donnée sérieuse sur les
siècles qui suivirent
l'avènement de Tankoun.
La période fabuleuse
de l'antiquité coréenne ne prend fin que vers le onzième
siècle avant J.-C.,
date à laquelle s'ouvre, avec le règne de Ghi-si, l'ère
vraiment historique du
pays. Si le premier souverain de la Corée semble
avoir étê un
astronome, le second n'est rien de moins qu'un
philosophe, ainsi que le prouve
son nom chinois: Ki-tse
c'est-à-dire
Ki le philosophe. Il figure dans les annales de la Corée
sous la dénomination
de Ghi-si, adaptation à la langue nationale du mot
étranger Ki-tse. Ki-tse était l'oncle de l'empereur chinois Chéou-sin, le dernier souverain de la
dynastie des Yn
(La dynastie des Yn n'est autre que la seconde partie de la
dynastie des Chang.
Vers 1.400 av. J.-C. l'empereur Pan-keng des Chang changea son nom de famille en celui
de Yn, que ses successeurs continuèrent à
porter.). Les remontrances
qu'il avait adressées à son neveu, dont la conduite, au
dire des historiens,
était des plus blâmables, excitèrent contre lui la
colère de son impérial
parent et il dut simuler la folie pour échapper au
châtiment qu'on lui
préparait. Lorsque Wou-Wang, après avoir détrôné
Chéou-sin, eut pris
en main les rênes de l'empire, il fit appeler Ki-tse à
la cour et lui témoigna
la plus haute estime. Le nouvel empereur se plaisait à
converser longuement
avec ce sage lettré sur la philosophie, l'économie
politique, l'astronomie,
etc. Les propos de Ki-tse ont été relatés, en partie,
par les historiographes
chinois et nous pouvons, par la lecture du Chou-king,
nous faire une idée des
pensées que nourrissait, il y a plus de trois mille ans,
celui qui devait être
le véritable fondateur du royaume de Corée. « A la treizième année, dit le texte, le roi
Interrogea
Ki-tse. « Le roi dit « Oh Ki-tse, le ciel a des voies
secrètes
par lesquelles il rend le peuple tranquille et fixe. Il
s'unit à lui pour
l'aider à garder son repos, son état fixe. Je ne connais
point cette règle,
quelle est-elle? » Ki-tse lui répond par un exposé des neuf
règles de la
sublime doctrine qui sont 1º La connaissance des lois propres aux cinq «
agissants », c'est-a dire les
cinq éléments: l'eau – le feu – le bois – les métaux –
la terre. 2º L'attention à donner dans les cinq
occupations : le maintien – la
parole – la vue – l'ouïe – la pensée. 3°
L'application aux huit principes
de gouvernement : les vivres – la répartition des
richesses – le culte et
les cérémonies – les travaux publics – l'instruction
publique – la justice,
sanctions pénales, magistrature– le régime à appliquer
aux étrangers résidant
sur le territoire de l'empire – les armées. 4° L'accord dans les cinq choses
périodiques : l'année
– le mois – le jour – la révolution des astres – les
nombres astronomiques (L'accord
dont il s'agit est, vraisemblablement, celui du
calendrier officiel avec le
mouvement des astres). 5º La règle de conduite du souverain. 6° L'observance des trois vertues : la
droiture –
l'exactitude et la sévérité dans le gouvernement –
l'indulgence et la douceur. 7º L'intelligence dans l'examen des cas douteux.
8º L'attention apportée aux phénomènes: la pluie
– le beau temps – la
chaleur, le froid – le vent – les saisons. 9º La poursuite des cinq bonheurs : une
longue vie – la richesse – la
paix – l'amour de la vertu – une mort paisible aprés
avoir accompli sa
destinée; et l'éloignement des six malheurs : une
vie courte et vouée au
vice – les maladies – les afflictions – la pauvreté – la
haine – la faiblesse
et l'oppression, Ki-tse développe chacun de ses neuf points. Ses
dissertations
paraissent obscures en plus d'un passage et le
commentaire de Tchou-hi n'y
apporte pas de bien grands éclaircissements. Comme tous lès anciens, Ki-tse croyait qu'il
existait une
corrélation directe entre les actes des hommes et les
manifestations de la
nature « Quand la vertu règne, dit-il, la pluie vient
à propos...
Quand on rend des jugements équitables le froid vient à
son temps. » A côté de ces propos, nous en trouvons
d'autres qui
dénotent, chez le premier roi de la Corée, des
connaissances d'ordre
sociologique et un esprit sceptique, dénué d'illusions
sur les causes, toutes
matérielles, qui font régner la paix dans le peuple et
inclinent à l'équité l'âme
des magistrats. Le bien-être lui paraît être le meilleur
gardien de la tranquillité
et de la vertu publiques: « Si la constitution de l'atmosphère dans
l'année, le
mois, le jour est conforme à la saison, les grains
viennent à leur maturité, il
n'y a aucune difficulté dans le gouvernement et chaque
famille est dans le
repos et dans la joie. Mais s'il y a du dérangement dans
l'atmosphère, les
grains ne mûrissent pas, le gouvernement est en
désordre, la paix n'est pas
dans les familles. » « Si vos magistrats ne manquent de rien ils
seront
vertueux. » Wou-wang, pénétré d'admiration pour la sagesse de
Ki-tse, le
nomma prince de Corée (Certains historiens coréens
prétendent, paraît-il, que Wou-wang aurait
envoyé Ghi-si
(Ki-tse) en Corée pour se debarrasser d'un
homme dont la haute
réputation lui portait ombrage et qui, fort de sa
parenté avec le précédent
empereur, refusait de paraître à la cour de
l'usurpateur. Le texte du Chou-king ne
permet pas de seranger à cetteopinion).
Celui-ci quitta la cour de Chine, emmenant avec lui huit
savants éminents qui
devaient lui servir de conseillers. De nos jours, encore, huit familles coréennes
prétendent
posséder une généalogie remontant à ces illustres
personnages. Elles
entretiennent ensemble des relations de parenté et se
considèrent comme formant
la plus haute noblesse du pays. Mon ami Hong-tjyong-ou
se targuait, avec
fierté, d'avoir pour grand ancêtre l'un de ces
compagnons de Ki-tse,
nommé Hong. Ki-tse, devenu le roi Ghi-si
organisa ses états d'après le système chinois. La durée
de son règne est
réputée comme une ère de paix et de prospérité sans
égales. A cette époque, le
royaume de Corée ne comprenait pas, ainsi que de nos
jours, toute l'étendue de
la presqu'île. La partie méridionale, sauvage et presque
inexplorée, restait
indépendante. Elle portait le nom de Shim.
Vers le commencement du 2e siècle av. J.-C.,
le roi Ghi-joun
se déclara souverain de la
presqu'île entière. Vaincu par un prince chinois, qui
l'avait attaqué, il dut se
réfugier dans le Shim,
qui se peupla
rapidement par l’émigration de nombreux Chinois
s'expatriant pour éviter d'être
englobés dans les bandes de travailleurs que l'empereur
Chi-Hoang-ti faisait
recruter de force, pour la construction de la « Grande
Muraille ». Il est utile
de remarquer que c'est improprement que les Occidentaux
donnent le nom de Corée
à l’ensemble de la presqu'île seul, un territoire de la
partie septentrionale
était autrefois appelé Kouré. Quant aux régions
s'étendant vers le sud, elles
furent dénommées, comme je l'ai indiqué plus haut,
d'abord Shim, et ensuite Kam. Au
temps de Ghi-joun, elles se divisaient en Ba-Kam,
Ben-Kam et Shim-Kam,
formant,
ainsi, trois petits états distincts, quoique ayant des
liens comuns. Les descendants du vainqueur de Ghi-Joun ne jouirent pas longtemps de son
héritage. Son petit-fils You-kio se vit,
à son tour, dépossédé
par un empereur chinois de la dynastie des Han, dans le
courant du premier
siècle avant notre ère. Un laps de temps assez long s'écoule ensuite,
sans que
nul relève le trône du grand Ghi-si;
puis un étranger, venant du Nord, s'empare du pays et
prend le titre de roi. L'histoire de ce personnage comporte plus de
légendes que
de détails vraiment historiques. Son origine, comme
celle de la plupart des
héros orientaux, est fabuleuse et voici, d'après la
tradition, la façon
surnaturelle dont sa mère le conçut Dans le palais du roi de Pou-Yo (contrée indéterminée qui était
située au nord de la Corée)
se trouvait une jeune vierge, fille du génie d'un
fleuve. Ce souverain l'avait
vue, par hasard, dans une de ses promenades et, frappé
de son extraordinaire
beauté, s'était empressé de la faire conduire parmi ses
femmes. Cependant, le
roi dut entreprendre un très long voyage. A son retour,
il s'aperçut que la
jeune fille était enceinte. Plein de fureur il ordonna
qu'on la mit à mort;
toutefois, avant de l'envoyer au supplice, il voulut
permettre à la coupable de
présenter sa défense. « Seigneur, lui dit alors la fille du génie,
je me
trouvais dans une chambre de l'appartement des femmes
lorsqu'un rayon de soleil
y pénétra avec une intensité telle que j'en fus
incommodée. Pour éviter son
ardeur, je passai dans une autre pièce. La lumière
éclatante m'y poursuivit.
J'essayai de me retirer dans les parties les plus
obscures du palais, mais, partout,
les rayons éblouissants de l'astre du jour s'attachaient
à moi. Peu de temps
après cet événement mystérieux, j'ai senti que je
portais un enfant en mon
sein. « Le roi, devinant, dans ce phénomène, la
manifestation
d'une puissance supérieure, fit grâce à la jeune mère,
qui donna bientôt
naissance à un fils. Dès qu'il fut sorti de la première
enfance, le jeune
garçon se manifesta comme un archer d'une adresse
incomparable et reçut, de ce
fait, le nom de Shou-Mô
(tireur
adroit). Plus tard, obligé de fuir le royaume de Pou-Yo pour échapper à des rivaux. qui
complotaient sa perte, il
s'enfuit dans la direction du sud, s'arrêta dans la
région appelée Kouré,
et, comme on vient de le voir, en
devint le roi. Tandis que les descendants de Shou-Mô se succédaient sur le trône de
Kouré, la presque totalité
du sud de la presqu'île passait sous la domination de Shei-Kyo-Khan qui, au dire de certains,
aurait été l'ancêtre du
fameux Tchinggis
Khan (On sait que
les Japonais revendiquent TchinggIs-Khan
pour leur compatriote. Certains de nos orientalistes
inclinent à croire que le
terrible guerrier était d'origine coréenne.). A cette époque, l’ensemble de la Corée
actuelle comprenait
les royaumes de Sinnra,
fondé par Sheï-Kyo-Khan,
de Kouré, fondé par Shou-Mô,
et de Koutara,
fondé par un fils de Shou-mô. Si l'histoire de ces états minuscules est, en
général,
dénuée d'intérêt, elle comporte cependant un fait d'une
importance capitale la
civilisation du Japon due, pour la plus grande partie, à
leur influence. Au deuxième siècle de notre ère, les Japonais,
qui
marchent aujourd'hui à la tète du progrès en
Extrême-Orient, étaient encore un
peuple barbare, sans philosophie, sans arts, sans
science, sans industrie. Or
il advint, à cette époque, qu'un parti se forma parmi
les Japonais habitant le
littoral de la mer du Japon et voulut se soustraire à la
domination de
l'empereur. Les sujets du roi de Shinra
encouragèrent les révoltés,. et, traversant le détroit
de Corée, vinrent à leur
secoure contre les troupes de leur souverain. Celui-ci,
ayant triomphé de la
rébellion, résolut de punir les étrangers qui avaient
fomenté des troubles sur
son territoire. Il fit donc équiper une flotte pour se
rendre en Corée mais,
avant que les préparatifs fussent terminés, le monarque
mourut. L'impératrice, qui avait, accompagné son mari
pendant
toute la campagne, ne renonça pas à poursuivre le projet
du défunt. Elle partit
et, sous ses ordres, son armée débarqua sur les côtes du
Shinra. Cependant, le roi de Corée, avait de son côté,
rassemblé
des soldats et s'avançait à la rencontre de
l'envahisseur. Les deux adversaires
furent bientôt en présence. Mais en apercevant
l'impératrice qui, selon lès
chroniques, était d'une beauté sans égale, toute idée
belliqueuse abandonna le
souverain, il se prosterna devant celle qui lui
apparaissait comme une divinité
et ne songea plus qu'à conclure la paix. A leur tour, le roi de Kouré et celui de
Koutara vinrent
admirer l'impératrice japonaise et ne furent pas moins
enthousiasmés que leur
voisin. Les trois monarques et la souveraine conclurent
un traité d'alliance,
puis celle-ci s'en retourna dans ses Etats (Telle est la
version coréenne, mais
les historiens japonais prétendent que l'impératrice
Ling-gou-kuo-go défit les
troupes envoyées contre elle et imposa à la Coree le
paiement d'un tribut). Depuis lors, de nombreux Coréens se rendirent
au Japon ;
ils y portèrent, avec eux le système d'écriture
chinoise, les sciences, les
arts et l'industrie que la Corée tenait de la Chine. Les
belles-lettres, la
philosophie des Chinois et, plus tard, le bouddhisme,
lorsque les Coréens
l'eurent adopté, passèrent, à leur tour, chez les
Japonais par le même
intermédiaire. Les habitants de l'Empire du SoIeil Ievant
(DaïNippon, le
Japon) furent de bons élèves et dépassèrent rapidement
leurs premiers maîtres. Après cet événement, le plus saillant de
l'histoire de
Corée, la vie de la grande péninsule retombe à la
monotonie des luttes entre
les petits états qui partageaient son territoire.
Quelques campagnes contre les
Chinois qui, à plusieurs reprises, tentèrent de
s'annexer la Corée, tranchent
seules sur la banalité des querelles entre roitelets
indigènes. Vere 610, les Coréens repoussèrent
victorieusement
l'armée de l'empereur chinois Yang-ti.
Une trentaine d'années plus tard, l'empereur Tai-Tsoang, ayant voulu s'emparer de la
Corée, dut, égatement,
renoncer à son projet. En 668, le roi de Shinra
fut attaqué par ses voisins de Koutara
et de Kouré.
Pour leur résister, il
demanda l'appui de la Chine. Ses ennemis ripostèrent en
appelant les Japonais à
leur secours. Ils furent vaincus. Le roi de Kouré se
rendit aux généraux chinois
qui avaient pris sa capitale. Un de ces généraux fut
nommé gouverneur du
royaume. On établit un tribunal chinois dans la capitale
de la Kouré
et le pays fut divisé en cinq gouvernements,
neuf départements, quarante-deux arrondissements et cent
cantons. Le royaume de Shinra, délivré de ses rivaux,
est ensuite
en proie aux luttes intestines : les souverains
sont fréquemment détrônés
ou massacrés, le trône est successivement occupé par des
chefs de parti qui
s'expulsent a tour de rôle. L'un d'eux, nommé O-Ken porta ses armes au delà des
anciennes limites du Shinra et
reconstitua, en partie, le
royaume de Kouré,
qu'il adjoignit au
Shinra (vers 950). Ses descendants régnèrent trois
siècles. Vers 1300, le fils de TchinggIs-Khan
donna à l'un des successeurs d'O-Ken
la partie septentrionale de la presqu'île dont la Chine
s'était emparée six
siècles auparavant. Ce prince fut le premier qui régna
sur la Corée entière.
Ses successeurs suivirent la fortune de la dynastie
mongole en Chine dont ils
furent les fidèles alliés. Le dernier d'entre eux se vit
forcé d'abdiquer
devant l'hostilité que lui témoignaient ses sujets. Un
général, du nom de Li-Shei-Kei, le
remplaça sur le trône,
en 1392. Li-Shei-Kei
est, lui aussi, le héros de'
plusieurs légendes qui lui prêtent des actes
merveilleux. Une tradition, très
en honneur en Corée, rapporte que l'empereur chinois Hoang-wou, le chef de la dynastie des
Ming, lui prédit, plusieurs
années à l'avance, le sort glorieux qui lui était
réservé. Voici comment le
fait est narré Li-Shei-Kei,
avant d'avoir embrassé la carrière
des armes, avait songé à devenir moine. Il habitait
donc, en qualité de novice,
un couvent situé à la frontière chinoise dans les monts
Tcio-Hakou. Parmi ses compagnons se
trouvait un autre novice de
très humble origine, fils de campagnards, qui se nommait
Tchou-youan-tchang. Pendant les dix années
qu'ils vécurent côte à
côte, les deux jeunes gens n'échangèrent jamais une
parole. Un jour, fatigué des corvées humiliantes que
les bonzes
lui imposaient, Tchou-youan-tchang
abandonna le monastère pour s'enrôler dans un parti
révolutionnaire qui tentait
de libérer la Chine du joug des Mongols en renversant la
dynastie régnante. Comme
il allait franchir le seuil du couvent, Tchou-youan-tchang
s'adressa pour la première fois à Li-Shei-Kei
« Vous régnerez un jour, lui dit-il, sur le pays qui
s'étend au sud de ces
montagues; moi-même j'aurai en partage l'Empire du
Milieu. » La prédiction se
réalisa à la lettre Tchou-youan-tchang
devint rapidement le chef dès insurgés et, après une
campagne victorieuse, il
prit possession du trône sous le nom de Houng-wou.
C'est l'empereur désigné, dans les tables
chronologiques, par le titre
honorinque de Ming-taï-tsou (grand aïeul de la dynastie des Ming). En ce qui concerne le novice coréen, la
prophétie de son
taciturne compagnon s'accomplit avec la même exactitude,
puisqu'il devint le
souverain de son pays. Nous avons dit que l'appellation de « Corée »
n'avait
jamais été appliquée, par les Coréens, à l'ensemble de
la péninsule et qu'une
région seule avait, momentànément, formé un royaume de
Kouré. En 1398, le roi Li-Shei-Kei
abolit définitivement
l'ancien nom.de Kouré
et lé remplaça
par celui de Tcio-Shen
(Sérénité du
Mâtin), seul usité, aujourd'hui, en Corée. La fin du xvie siècle est marquée, pour les
Coréens, par
de longues luttes contre les Japonais et les Chinois,
dont leur pays devint le
théâtre. En 1604, à la fin des hostilités, la Corée
signa un
traité de paix avec le Japon. Ce fut, pour elle, le
terme des guerres avec
l'étranger. Son histoire n'enregistre plus, ensuite, que
des troubles locaux,
des intrigues de palais sans grande importance, peut-on
croire puisque, après
cinq siècles, la dynastie fondée par Li-Shei-Kei
se continue encore en la personne du souverain régnant.
Dans les temps modernes
on peut signaler la reconnaissance de l'indépendance de
la Corée par la Chine
qui, jusque-là, l'avait toujours traitée en royaume
vassal. Cependant, malgré
l'abandon officiel de ses droits, Ie Céleste Empire
conserve toujours, dans le
pays, un prestige et des prérogatives dont ne jouissent
point les autres états.
Mais nous touchons, ici aux événements contemporains
généralement connus et
qui, par cela même, sortent du cadre de ces notes. *** Quel sort les compétitions actuelles de ses
voisins
prépare-t-elles à la Corée? Une fois de plus, peut-être,
son sol servira de
théâtre aux luttes des belligérants. Les gouvernants
coréens, enclins à la
superstition, comme tous les Orientaux, ne s'étonneront
sans doute pas, si
l'avenir réserve encore des jours sombres à leur
malheureux pays. Une antique
légende, toujours vivante en Corée, semble, en effet,
devoir vouer le royaume
de la « Sérénité du Matin » aux plus tristes destinées.
L'étrangeté de cette
tradition mérite qu'on la rapporte En butte aux
sortilèges d'on ne sait quel
magicien ou quel dragon ennemi, la Corée est selon
l'opinion de ses habitants,
une contrée enchantée. Tout y est bouleversé, détourné
de son ordre naturel.
Montagnes, fleuves, rivières y occupent une place
différente de celle qui leur
avait été assignée à l'origine du monde. A quelle époque s'est accompli ce singulier
cataclysme?
Les Coréens l'ignorent, mais la croyance populaire
emprunte encore une nouvelle
force à la confirmation que lui donnent les paroles du
très illustre bonze Ha-thing, qui
vivait en Chine vers le ixe
ou le xe siècle. Un moine coréen, nommé To-Sou, attiré par la grande réputation de
Ha-thing, s'était rendu près de lui dans
but d'apprendre, sous sa
direction, les diverses philosophlès chinoises,
l'astronomie et la magie.
Lorsqu'il crut son instruction suffisante, il manifesta
le désir de retourner
dans son pays. Alors, son maître lui parla en ces termes
« J'ai appris qu'il y a, en Corée, beaucoup de
montagnes
et de cours d'eau qui ont désobéi à leur maître; il
s'ensuit que ce pays a subi
des divisions successives et que, sans cesse, il a été
troublé par des conspirateurs.
La terre est donc malade son sang, ses nerfs sont
dérangés; voilà pourquoi les
Coréens meurent, tués par les maladies, la famine et les
guerres. » Le savant Ha-thing n'aurait
point
été digne de son renom s'il n'eût trouvé le remède
approprié à cette
situation aussi fâcheuse qu'extraordinaire. Il n'eût pas
été un véritable moine
s'il n'avait pensé à confier, à ses confrères, le soin
de cette cure d'un
genre, peu commun « Je veux soigner la maladie des montagnes et
des rivières
de votre pays, annonça-t-il à To-Sou.
Àpportez-moi une carte de la Corée. » Lorsqu'il eut la cartè entre les mains, il la
considéra
attentivement : « Puisque les montagnes et les
cours d'eau sont dans de
telles conditions, dit-il, il est certain que la Corée
doit être la scène de
nombreuses guerres. » Il désigna alors, par un trait de
pinceau, dix-huit cents
points situés soit dans les montagnes, soit sur Ie bord
des fleuves et, rendant
la carte à son disciple, il ajouta « Quand on est malade, il faut chercher
promptement
l'endroit où l'on doit piquer les veines et brûler la
peau c'est ainsi que l'on
peut guérir les maladies. Les maladies des montagnes et
des canaux ressemblent à
celles de l'homme: Si l'on établit des monastères aux
endroits que j'ai
marqués, les résultats obtenus seront pareils à ceux de
l'acuponcture et du feu
et les maladies de la terre seront alors guéries. De
même que les personnes
ignorantes qui ne veulent pas qu'on les pique et qu'on
les brûle sont
condamnées à une mort certaine, de même, si l'on ne me
croit pas ou si l'on
détruit les monastères que l'on aura érigés, le pays
sera certainement dépeuplé.
» Les dix-huit cents bonzeries exigées par
l'ascète chinois
furent-elles édifiées? Il serait peut-être exagéré de le
croire. Cependant, de
très nombreux couvents s'élevèrent autrefois en Corée;
mais une réaction
violente, amenée par la conduite des moines, s'étant
produite vers le xiv"
siècle, ceux-ci furent massacrés et leurs couvents
détruits. Le sol de la péninsule, privé du remède
prescrit jadis
par le vieil Ha-thing,est-il
à la
veille de subir une recrudescence de la mystérieuse
maladie dont il souffre en
devenant le théâtre de combats sanglants?. L'avenir nous
l'apprendra. |