DEUXIÈME
PARTIE (Index)
Depuis la nomination du
premier Vicaire Apostolique de Corée, jusqu’à la
persécution de 1839. 1831-1839 [1] CHAPITRE I. Le Saint-Siége confie la
mission de Corée à la Société des Missions Étrangères.
— Mgr Bruguière, évéque de Capse. Tous les peuples doivent
entendre la bonne nouvelle; tous les enfants d’Adam
sont appelés à être les enfants de Jésus-Christ, à
devenir les pierres vivantes
de cet édifice qui se construit dans les siècles, et
aura son couronnement dans
l’éternité; mais chaque partie ne peut se soutenir que
si elle est appuyée sur
la pierre fondamentale établie par Dieu lui-même.
Aussi, voyons-nous que toutes
les Églises particulières ne vivent que par leur union
avec TEglise romaine, et
leur vie est d’autant plus active, d’autant plus
puissante que cette union est
plus intime. L’histoire de l’Église de Corée est une
nouvelle preuve de cette
vérité. — 2 — L’Évangile avait à peine
pénétré dans ce pays, que l’évéque de Péking en
écrivit au Souverain Pontife. Le pape Pie VI reçut
cette heureuse nouvelle en
1792, au moment où commençaient les terribles épreuves
de la Révolution. Il
rendit grâces à Dieu, envoya aux néophytes la
bénédiction apostolique, et
confia à l’évêque de Péking lui-même le soin de la
chrétienté naissante. Vingt ans après, en 1812, les
chrétiens de Corée ne pouvant obtenir de
prêtres, à cause du triste état auquel les
persécutions avaient réduit l’Église
de Péking, écrivirent au pape Pie VII la lettre que
nous avons citée, suppliant
dans les termes les plus touchants celui qu’ils
appellent le Père très-haut,
très-grand et très-saint, de compatir à leur abandon
et de leur envoyer des
pasteurs. Cette lettre fut remise au vicaire de
Jésus-Christ, dans sa prison de
Fontainebleau. Il ne pouvait rien alors que prier et
attendre de la miséricorde
de Dieu des circonstances plus favorables. Quand le calme eut enfin
succédé aux épouvantables secousses, qui pendant
vingt-cinq ans avaient bouleversé l’Europe, quand le
Pape fut rentré triomphant
à Rome, des jours meilleurs se levèrent pour l’Église.
Non-seulement elle
sortit des ruines sous lesquelles on avait cru
l’ensevelir, mais, afin de
consoler son cœur maternel, l’Esprit de Dieu suscita
dans son sein une nouvelle
et plus puissante explosion de zèle apostolique, pour
la conversion du monde
entier. Les vocations de missionnaires commencèrent à
se multiplier. La
Révolution avait détruit toutes les ressources réunies
par la piété des âges
précédents pour l’œuvre des missions; les rois et les
gouvernements ne
prenaient nul souci de les reconstituer; l’Association
de la Propagation de la
foi fut chargée par Dieu d’en créer de nouvelles, et
de trouver dans la foi des
pauvres, des ouvriers, des gens du peuple, des trésors
plus considérables que n’en
donnèrent jamais les rois chrétiens à l’époque où ils
se croyaient tenus en
droit et en honneur de fournir aux dépenses de
l’apostolat. La Sacrée
Congrégation de la Propagande s’occupait activement de
régulariser ces généreux
efforts. Nos lecteurs savent qu’on nomme ainsi la
Congrégation des Cardinaux,
chargée par le Pape de tout ce qui concerne la
prédication de l’Évangile dans
les pays hérétiques, schismatiques ou infidèles. C’est
cette Congrégation qui
envoie les ouvriers évangéliques, qui présente les
évêques et vicaires
apostoliques au choix du Souverain Pontife, qui résout
les questions et juge
les difficultés qui peuvent s’élever dans les
missions. Elle est le — 3 — centre qui relie toutes les
œuvres particulières, et les rattache au Saint-Siége.
Dans ce travail général de
réorganisation, la Corée ne pouvait être
oubliée. Plusieurs fois déjà, la Sacrée Congrégation
avait discuté le meilleur
moyen de venir au secours de ces pauvres chrétiens
délaissés, et privés de tout
secours religieux. Mais la position déplorable de la
mission-mère de Péking,
les prétentions surannées du Portugal à un patronage
dont jamais nation
chrétienne n’est devenue si indigne, avaient empêché
de donner à cette question
une solution définitive, lorsque, en 1827, arriva à
Rome une nouvelle lettre
des néophytes de Corée, suppliant instamment le
Souverain Pontife de leur
envoyer des prêtres. C’était la lettre écrite vers
1825, par Augustin Niou Iong-sim-i,
et, comme il est d’usage en pareil cas chez les
chrétiens, signée, par mesure
de prudence, d’un nom peu connu ou complètement
imaginaire. Nous en donnons ici
la plus grande partie. Au Pape, notre Souverain
Pontife, les Coréens chrétiens, Ambroise et les
autres, salut et vénération profonde. « Depuis dix-huit cents ans
que le Sauveur Jésus, s’étant incarné, a
racheté le monde, est ressuscité et est monté au ciel,
toujours il s’est trouvé
des saints et des docteurs pour porter l’Évangile
jusqu’aux extrémités de la
terre, et éclairer ceux qui étaient assis dans les
ténèbres. Notre pays a eu,
lui aussi, malgré son abjection, le bonheur d’entendre
la parole de vie, de
recevoir la grâce de la réconciliation, et de
participer aux mérites de la
passion et aux trésors de la miséricorde dix mille
fois infinie du Seigneur. N’est-il
donc pas de notre devoir de lui rendre d’incessantes
actions de grâces?
Néanmoins nous sommes sous le poids de souffrances et
de tribulations qu’il est
nécessaire d’exposer humblement à Votre Sainteté, afin
qu’elle daigne y
pourvoir. « Après la mort du prêtre
Jacques Tsiou, dans le royaume de Kaoli (Corée),
des persécutions continuelles ayant arrêté les progrès
de la doctrine
chrétienne, il ne se trouve plus guère que mille
fidèles qui se la transmettent
dans l’ombre, et continuent à la professer (1).
Cependant les dogmes de la
religion, quelque vrais qu’ils soient, deviennent
inutiles; la doctrine, par
suite de (1) Il y a évidemment ici une
erreur de chiffres, soit dans la copie
chinoise, soit dans la traduction latine, puisque,
pendant la persécution de
1827, deux ans après la date probable de cette lettre,
nous avons vu qu’il y
eut cinq cents arrestations de chrétiens dans deux
provinces seulement. D’ailleurs
on lit, quelques lignes plus bas, que les chrétiens
étaient aussi nombreux qu’au
temps du P. Tsiou. — 4 — la lourdeur de notre esprit,
reste inefficace, et la grâce divine est entravée.
Ceux qui dorment du sommeil de la vieillesse ou de la
maladie, descendent au
tombeau, emportés par le chagrin; et nous, leurs
survivants et successeurs,
dans notre affliction, nous sommes fatigués de vivre;
la tristesse et l’angoisse
oppressent de plus en plus nos cœurs. C’est pourquoi,
au mépris de tous les
périls, nous avons envoyé maintes requêtes à l’évêque
de Péking, notre pasteur,
qui, bien que touché de nos supplications, n’a pu nous
donner des prêtres, pour
ranimer et réchauffer nos âmes pécheresses par
l’exercice du ministère de la
religion. Hélas ! ces malheurs sont la peine de nos
péchés, et c’est à
nous-mêmes, non pas aux autres, que nous devons nous
en prendre; nous ne le
savons que trop. « Cependant les fidèles de
notre royaume ne sont pas moins nombreux qu’au
temps du prêtre Jacques; les calamités qui nous
pressent au dehors sont
extrêmes, les besoins de nos âmes sont inexprimables,
et des missionnaires de
Macao nous peuvent être d’un singulier secours dans
une si grande détresse.
Mais il est absolument impossible de communiquer
directement, librement et
promptement avec notre royaume par la voie de terre.
C’est pourquoi nous osons
proposer humblement au Souverain Pontife deux choses
qui nous semblent également
nécessaires; l’une ne peut se séparer de l’autre.
Qu’un homme passe plusieurs jours
sans manger, il est réduit à mourir d’inanition. Quand
même il devrait obtenir
de la nourriture dans un mois, pourra-t-il en profiter
si quelques aliments ne
viennent promptement soulager la faim qui le dévore?
D’un autre côté, si on ne
lui doit fournir aucune nourriture le mois prochain,
celle qu’il prendra
aujourd’hui ne lui sera-t-elle pas inutile? De même,
l’envoi de prêtres serait
certainement pour nous une grande faveur, et nous
causerait une bien vive joie;
mais ce serait insuffisant, si l’on ne prend en même
temps le moyen de subvenir
d’une manière permanente à nos besoins, et d’assurer à
nos enfants des secours
spirituels pour l’avenir. Si nous devons toujours être
abandonnés, ne
vaudrait-il pas mieux qu’on n’eût jamais eu pitié de
nos malheurs? « Pour arriver à un bon
résultat, il faut d’abord envoyer des prêtres qui,
après avoir pourvu aux nécessités les plus urgentes,
iront à la rencontre du
vaisseau que l’on devra expédier plus tard; c’est le
meilleur moyen d’obtenir
le libre exercice de la religion. Les Coréens sont
pour la plupart grossiers et
timides, enclins à mépriser et à maltraiter ceux
qu’ils voient plus grossiers
et plus impuissants qu’eux. Mais ils sont grands
amateurs de nouveautés, — 5 — et comme une renommée
constante a fait parvenir à nos oreilles le bruit de
la sagesse et de la puissance des Européens, on les
regardera comme des
esprits. Si donc un navire européen apparaît tout à
coup, les nôtres stupéfaits
ne sauront d’abord quel parti prendre. Admirant
ensuite la force et la vertu
des hommes de l’Occident, ils les accueilleront avec
humanité et avec joie. S’ils
étaient animés de quelque mauvaise intention contre
eux, ils n’oseraient rien
faire avant d’en avoir référé à l’empereur de Chine,
lequel faisant réflexion
qu’un navire européen, sur un littoral étranger, ne
peut nuire à son propre
royaume, jugerait probablement qu’il ne doit pas s’en
inquiéter. Il est donc
évident que la voie de mer doit être employée pour
soutenir et répandre la
religion. Notre royaume dépend, il est vrai, de la
Chine, mais les mœurs et le
pays sont différents, et notre roi n’est pas soumis à
l’empereur de la même
manière que l’étaient jadis les petits rois chinois.
Que si notre évéque (celui
de Péking) se contente d’envoyer simplement des
prêtres pour l’exercice du
saint ministère, ils ne pourront que
très-difficilement échapper à la vigilance
des mandarins et aux défiances du peuple, et l’on
verra s’évanouir tout espoir
de propager le christianisme. « Si nous jetons les yeux sur
les livres de religion, nous y lisons qu’on s’est
servi de la navigation pour porter l’Evangile dans les
contrées éloignées, chez
les peuples barbares, chez les Japonais par exemple,
et jusqu’aux extrémités du
monde. Mais, ô douleur! notre royaume, oublié dans ce
coin de terre, reste seul
dans les ténèbres; les cieux sont pour lui sans
lumière. Que d’âmes dans ce
vaste pays se précipitent inévitablement dans l’abime
de la perdition ! Nous ne
sommes que des gens grossiers et des enfants; mais du
fond de notre misère,
nous fixons nos regards sur le sang divin que Notre
Seigneur Jésus-Christ a
répandu pour nous, et sur les miettes qui tombent de
la table du Maître. Daigne
Votre Sainteté, dont la prudence est souveraine,
trouver le moyen de nous
secourir dans un péril si imminent, et de nous retirer
de l’abîme qui commence
à nous engloutir ! » Viennent ensuite d’assez
longs détails sur la meilleure manière d’armer ce
navire dont les Coréens sollicitent l’envoi, sur la
composition de l’équipage,
sur les dangers que l’on pourrait courir près des
côtes, sur le lieu le plus
favorable au débarquement, sur le plan à suivre pour
entrer en rapport avec les
autorités, sur les précautions à prendre contre leur
mauvaise foi, etc., etc.
Cette nouvelle instance
d’enfants abandonnés qui demandaient du pain, et qui
n’avaient personne pour le
leur rompre, toucha — 6 — vivement le cœur du Souverain
Pontife et des cardinaux de la Propagande. Il
n’y avait plus à songer à l’Église de Péking pour les
secourir, car cette
Église se trouvait elle-même dans le dénûment le plus
absolu. Les derniers
établissements des Pères Lazaristes français et
portugais venaient d’être
supprimés quelques mois auparavant. Il fut donc résolu
qu’on établirait en
Corée une mission séparée, relevant directement du
Saint-Siège, et que l’œuvre
serait confiée à la Société des Missions-Étrangères.
La Société des
Missions-Étrangères a été fondée à Paris, vers le
milieu du xviie siècle, lorsque
le pape Alexandre VII envoya des vicaires apostoliques
français en Chine, en
Cochinchine, au Tong-king et au Canada, avec mission,
non-seulement de prêcher
l’Évangile, mais d’établir dans ces nouvelles églises
un clergé indigène
séculier. En quittant l’Europe, ces zélés prélats,
afin d’assurer l’avenir de
leur entreprise, confièrent à quelques-uns des
missionnaires qui s’étaient
joints à eux le soin de demeurer en France et de leur
procurer des
collaborateurs, en formant des ouvriers apostoliques
aussi capables et aussi
nombreux que possible. Pour cela, il fallait fonder un
séminaire spécial, ayant
pour but unique et exclusif les missions lointaines.
Louis XIV favorisa la
nouvelle œuvre, et octroya les lettres patentes
nécessaires à son existence
légale; le Souverain Pontife donna son approbation par
le cardinal Chigi, légat
à latere, et le séminaire fut établi, le 27 octobre
1663, dans la maison qu’il
occupe encore aujourd’hui. A la fin du xviiie siècle,
il avait déjà envoyé dans
l’extrême Orient deux cent cinquante-cinq
missionnaires, qui se firent
remarquer par leur zèle apostolique, et surtout par
leur fidélité scrupuleuse à
obéir aux ordres du Saint-Siège et à suivre sa
direction, dans les questions
alors controversées en Chine et ailleurs. Pendant la
grande révolution, le
séminaire des Missions-Étrangères eut le sort de
toutes les institutions
religieuses. Les directeurs ayant refusé le serment à
la constitution civile du
clergé, furent forcés de quitter la France et se
réfugièrent, les uns à Rome,
les autres à Londres, d’où ils entretinrent la
correspondance avec les
missions, et purent même expédier quelques
missionnaires. Le séminaire avait
été vendu comme bien national. Napoléon, par un décret
du 2 germinal an XIII
(mars 1805) rendit à la société son existence légale.
Supprimé de nouveau en
1809, par suite de la lutte impie de l’empereur contre
le Saint-Siège, le
séminaire fut rétabli en 1815 et, depuis lors, ne
cesse d’envoyer dans les
missions des ouvriers apostoliques de plus en plus
nombreux. — 7 —
La Sacrée Congrégation
écrivit donc, en date du ler septembre 1827, aux
directeurs du séminaire des
Missions-Étrangères pour leur demander s’ils
pourraient pourvoir promptement,
et d’une manière stable, aux besoins de l’Église
coréenne, en se chargeant d’y
envoyer désormais des missionnaires. Cette lettre mit
les directeurs du
séminaire dans une grande perplexité. Anciens
missionnaires eux-mêmes, ils
comprenaient mieux que personne l’état déplorable de
cette pauvre mission
depuis si longtemps délaissée, et leur zèle les
poussait à accepter immédiatement
la proposition. D’un autre côté, à un moment où les
vocations étaient encore si
peu nombreuses, les ressources si peu considérables,
la prudence ne leur
faisait-elle pas un strict devoir de ne point se
charger de missions nouvelles,
quand ils pouvaient à peine suffire aux besoins des
anciennes? N’est-ce pas
Notre-Seigneur lui-même qui a dit : Volens turrim
œcdificare prius sedens computat
sumptus qui necessarii sunt, si habeat ad perficiendum
(Luc, xiv, 28) : Celui
qui veut construire un édifice, calcule d’abord
soigneusement les frais, pour voir
s’il a de quoi mener l’œuvre à bonne fin?
En conséquence, sans
accepter ni refuser positivement, ils exposèrent à la
Sacrée Congrégation leurs
doutes et leurs difficultés. Pour le moment ils
avaient bien peu de sujets, et
ils pouvaient craindre, en se chargeant de la Corée,
d’entreprendre une œuvre
au-dessus de leurs forces. Les revenus du séminaire,
les aumônes de l’association
naissante de la Propagation de la foi, ne donnaient
que des sommes
insuffisantes pour les missions anciennes ; en
entreprendre d’autres en pareil
cas, ne serait-ce pas tenter Dieu? De plus, par quelle
voie pénétrer en Corée?
comment conserver des relations avec ce pays? puisque
les seules missions que
la Société avait alors en Chine étaient à l’ouest de
l’empire, dans la partie
la plus éloignée de la Corée, et que d’un autre côté,
les Coréens n’ayant aucun
commerce par mer avec les autres nations, il fallait
nécessairement, pour
arriver chez eux, traverser toute la Chine et une
grande partie de la Tartarie.
Presque tous les missionnaires européens de Péking
venaient d’être obligés de
quitter cette capitale, et de se retirer à Macao ;
n’était-il pas nécessaire
que la Sacrée Congrégation écrivît d’abord à son
procureur en Chine, pour
savoir si, dans un pareil moment, il était humainement
possible de faire
pénétrer des Européens jusqu’en Corée? Enfin, dans le
cas où la Sacrée
Congrégation ne trouverait pas ces motifs suffisants
pour autoriser leur
hésitation, les directeurs déclaraient qu’ils étaient
tous prêts à obéir, mais — 8 — qu’il leur resterait à
obtenir l’assentiment des autres membres de la
Société, vicaires apostoliques et missionnaires,
attendu que d’après le
règlement, à moins d’un ordre du Saint-Siège, on ne
pouvait accepter une nouvelle
mission que d’un commun consentement.
La Sacrée Congrégation,
dans une lettre du 17 novembre de la même année, loua
le zèle et la prudence
des Directeurs, leur témoigna la joie qu’elle
éprouvait en voyant qu’aucun
obstacle insurmontable ne s’opposait à l’exécution du
projet relatif à la
Corée, et, pour faciliter l’établissement de la
mission, s’offrit à en
supporter les premières dépenses. Les directeurs du
séminaire écrivirent donc
dans les diverses missions pour faire connaître le
désir de la Sacrée
Congrégation. Dans le cours des deux années suivantes,
arrivèrent les réponses
de la plupart des vicaires apostoliques et des
missionnaires. Ces dignes
ouvriers de l’Évangile, au cœur véritablement
apostolique, semblaient oublier
un instant les immenses besoins de leurs propres
églises, pour ne songer qu’à
cette pauvre chrétienté plus infortunée encore, et
consentaient avec joie à la
proposition du Saint-Siège. Toutes les difficultés
cependant n’étaient pas
levées. Restait à choisir les missionnaires capables
de faire réussir une telle
entreprise, à leur assurer pour l’avenir des
ressources suffisantes; restait
surtout à trouver une voie pour les faire pénétrer en
Corée. C’était là le
point le plus difficile. Les directeurs du séminaire
hésitaient. Avant de
transmettre à la Sacrée Congrégation une acceptation
définitive, ils écrivirent
de nouveau dans les missions pour demander de plus
amples renseignements, et
les choses menaçaient de traîner en longueur, lorsque
la courageuse initiative
prise par M. Bruguière vint en hâter la solution. Il
était alors dans la
mission de Siam, sur le point d’être sacré coadjuteur.
Il ne se contenta pas d’écrire
au séminaire des Missions-Étrangères pour appuyer de
toutes ses forces l’acceptation
de la mission de Corée, il s’adressa directement au
Souverain Pontife pour s’offrir
lui-même à faire la première tentative. Disons ici quelques mots de
ce saint missionnaire qui fut le premier
Vicaire apostolique de la Corée, et qui, par son zèle,
sa fermeté et sa
patience dans les épreuves, a si bien mérité de cette
mission, quoiqu’il ne lui
ait pas été donné d’y pénétrer jamais. M. Barthélémy Bruguière
naquit à Reissac, près de Narbonne, pendant la
Révolution, en l’année 1793. Ses parents étaient des
cultivateurs
propriétaires, et jouissaient d’une certaine aisance.
Il commença ses études à
Narbonne, et vint plus tard les terminer — 9 — au petit séminaire de
Carcassonne, où il se fit remarquer par ses talents,
son application au travail, sa piété sincère, et
surtout par son intrépide franchise.
Devenu diacre, il fut quelque temps professeur de
troisième dans ce même petit
séminaire, puis passa au grand séminaire, et, pendant
quatre ans, y enseigna
successivement la philosophie et la théologie avec un
rare succès. Un de ses
anciens amis traçait de lui, il y a quelqucs années,
le portrait suivant : M.
Bruguière était d’une taille au-dessous de la moyenne,
corps un peu grêle,
cheveux blonds, teint basané. Nous admirions son zèle,
sa haute intelligence,
son grand bon sens. Il avait une telle énergie, une
telle indépendance de
caractère que son supérieur disait de lui en riant :
Si jamais il est évéque,
sa devise sera : « Quoi qu’on en pense et quoi qu’on
en dise, j’irai de l’avant.
» Joignez à tout cela une mortification
extraordinaire, car la dernière année
qu’il passa dans son pays, il ne vécut guère que de
pain et d’eau, et nulle
remontrance ne put lui faire changer ce régime
d’anachorète, M. Bruguière quitta son pays
secrètement, sans avertir sa famille, et vint
à Paris au séminaire des Missions-Étrangères, en 1825.
De là il écrivit à son
père, pour lui faire connaître sa résolution, et le
consoler de son départ. Ce
père, homme de foi et véritable chrétien, accepta le
sacrifice que Dieu lui
imposait, et souvent depuis, quand on lui parlait de
son fils, il disait les
larmes aux yeux : « Que voulez-vous? il a préféré le
bon Dieu à moi, il a eu
raison. » Après quelques mois de séjour
au séminaire, M. Bruguière s’embarqua à
Bordeaux, en mars 1826, et arriva à Bang-kok, capitale
du royaume de Siam, le 4
juin 1827. Le Vicaire apostolique de Siam, Mgr
Florent, évêque de Sozopolis,
vieillard vénérable, blanchi dans les travaux de
l’apostolat et accablé d’infirmités,
n’avait alors auprès de lui que quelques prêtres
indigènes. Aussi, reçut-il
avec la joie la plus vive le secours que Dieu lui
envoyait. M. Bruguière fut
chargé immédiatement du séminaire de la mission
composé d’une vingtaine d’élèves,
et en même temps s’appliqua avec ardeur à l’étude des
langues du pays. Dès qu’il
put prononcer quelques mots, il commença à exercer le
saint ministère. Son
œuvre de prédilection était le baptême des enfants
infidèles en danger de mort.
Il aurait bien voulu aller lui-même à la recherche de
ces pauvres petites
créatures; mais, obligé par ses fonctions de séjourner
à Bang-kok, il dut se
contenter de presser et de favoriser, de toutes
manières, l’envoi de baptiseurs
expérimentés. Dans les six premiers mois de son
séjour, il — 10 — contribua ainsi à faire
baptiser plus de 1,600 enfants moribonds. Il
comptait sur les prières de ces petits anges pour
attirer des grâces de
conversion sur leurs apathiques compatriotes, car le
zèle de la maison de Dieu
le dévorait, et il ne pouvait sans frémir voir autour
de lui tant de contrées
où l’Évangile n’était pas annoncé. « L’île de Nias, Padang,
le royaume d’Ava, Quéda, le Laos, Achen,
Lygor, voilà, écrivait-il, voilà bien des endroits où
il faudrait des
missionnaires, mais où les prendre? Nous avons besoin
d’un puissant renfort
pour nous tirer de l’embarras où nous sommes.
Envoyez-nous donc des
missionnaires, mais envoyez-en de saints plutôt que de
savants. Pour ce qui me
concerne, je voudrais bien pouvoir aller évangéliser
ces pauvres peuples; mais
il est inutile d’en parler à Monseigneur qui resterait
seul ici, et son état d’infirmité
ne me permet guère de le quitter, au moins avant que
j’aie un remplaçant. Je
suis maintenant chargé du soin de notre collège, où
j’ai à faire deux classes
de théologie par jour, quatre classes de latin, et
deux conférences sur l’Écriture
sainte, par semaine; je suis obligé en outre d’exercer
les fonctions curiales
auprès de notre troupeau à Bang-kok. Je vous dis tout
ceci pour vous faire
sentir le besoin où nous sommes de collaborateurs. Si
j’avais au moins un
remplaçant, je pourrais suivre mon goût en allant
prêcher aux idolâtres. » Ces occupations multipliées
n’empêchaient pas M. Bruguière d’écrire souvent
en Europe pour réchauffer le zèle des associés de la
Propagation de la foi, et
faire naître des vocations. Les Annales de l’Oeuvre
ont publié à cette époque
plusieurs lettres très-intéressantes de ce pieux et
savant missionnaire. L’érudition,
la finesse d’observation y sont jointes à une
simplicité et à une ferveur
apostolique qui en rendent la lecture aussi agréable
qu’instructive. C’est dans
une de ces lettres, que se trouve ce cri du cœur : «
Depuis le martyre du
prêtre envoyé en Corée, les chrétiens de ce royaume
sont privés des secours de
la religion. Il vient tous les ans une députation de
ces fervents néophytes
pour solliciter l’évêque de Péking de leur donner un
missionnaire... Ils
viennent d’écrire à Rome pour le même objet. C’est, si
je ne me trompe, pour la
seconde fois. Pourquoi dans toute l’Europe ne s’est-il
pas encore trouvé un
prêtre qui ait eu pitié de ces infortunés? » Il y avait deux ans que M.
Bruguière travaillait à Bang-kok, lorsque Mgr
Florent, par l’autorisation du Saint-Siège, le choisit
pour son coadjuteur avec
le titre d’évêque de Capse. Son premier mouvement fut
de refuser ce fardeau,
mais les circonstances étaient — 11 — telles à Siam, que la
résistance aux désirs du vicaire apostolique eût été
inexcusable. Ce fut à ce moment-là même, qu’on reçut à
Bang-kok la lettre des
directeurs du séminaire, rendant compte et de la
proposition de la Propagande
relative à la mission de Corée, et de la réponse
qu’ils y avaient faite. M. Bruguière,
qui plus d’une fois déjà avait voulu voler au secours
des Coréens, ne pouvait
rester indifférent à une semblable nouvelle. Il se fit
aussitôt leur avocat
dans une lettre que nous donnons ici presque en
entier, car ce chaleureux
plaidoyer pour la Corée est en même temps un pressant
appel au zèle des
missionnaires. « Messieurs et chers
confrères, « J’ai appris, par une lettre
commune envoyée à toutes les missions, que la
Sacrée Congrégation vous avait offert la Corée, et que
vous hésitiez à accepter
cette offre, au moins pour le moment. Le défaut
d’argent, le petit nombre des
missionnaires, les besoins des autres missions, la
difficulté presque
insurmontable de pénétrer dans cette contrée,
l’insuffisance des moyens que ces
malheureux néophytes indiquent pour introduire les
missionnaires, vous ont paru
des motifs suffisants pour remettre cette affaire à
des temps plus favorables...
Mgr de Sozopolis désire, de tout son cœur, que notre
Société se charge au plus
tôt de cette nouvelle mission; il se propose de vous
en parler dans sa lettre.
Quelque grand que soit son zèle pour la réussite de
cette affaire, je doute qu’il
égale le mien. C’est l’ardent désir d’être utile à ces
infortunés chrétiens qui
m’engage à vous écrire en leur faveur. Je suis
persuadé d’avance que vous êtes
portés de la meilleure volonté à leur égard, et que
c’est seulement l’impossibilité
de faire mieux qui vous a engagés à attendre encore
quelques années. Ces motifs
sont louables et fort prudents; la Sacrée Congrégation
a paru y applaudir, mais
la question est-elle tellement terminée qu’elle ne
puisse plus être remise en
litige et être soumise à un nouvel examen? je ne le
pense pas. Ce n’est point
par un motif de suffisance ridicule, et pour avoir
l’air de donner des avis à
ceux qui en savent plus que moi, mais uniquement pour
obéir à ma conscience,
que je prendrai la liberté de rappeler en détail les
différents motifs
mentionnés plus haut, et d’y joindre quelques
réflexions que je vous prie d’examiner
au pied des autels, et de peser au poids du
sanctuaire. « 1° Nous n’avons pas
d’argent. — Mais n’est-il pas vrai que, grâce à
l’association
de la Propagation de la foi, la recette couvre la
dépense? D’ailleurs la Sacrée
Congrégation offre des aumônes — 12 — pour quelques années. Ces
secours peuvent manquer, dites-vous; tout est
précaire dans une association d’où chacun peut se
retirer quand il lui plaira;
cela est vrai, mais c’est là une œuvre toute récente.
A peine la moitié des
diocèses de France l’ont-ils adoptée; le zèle pour les
missions ne fait que de
naître, par cela même il se soutiendra pendant
quelques années; plus tard il se
refroidira peut-être, car tel est le sort des
institutions humaines, et en
France encore plus qu’ailleurs. Mais, en attendant, on
aura eu le temps de se
prémunir par de sages économies contre les cas
fortuits, et Dieu, qui défend à
ses ministres de s’occuper du lendemain avec une
anxiété qui ferait injure à sa
Providence, fournira de nouvelles ressources. « Notre séminaire a-t-il
auparavant refusé de faire l’impossible?
A-t-il abandonné aucune de nos missions, dans ces
temps où tout paraissait
désespéré? non, sans doute; on s’est tourné vers Dieu;
on a cru tout possible à
celui qui sait tirer le bien du mal, et on n’a pas été
trompé dans ses
espérances; Dieu a fait un miracle pour venir au
secours des missions. Or, dans
les circonstances présentes, notre Dieu serait-il
devenu moins puissant? ou
bien notre foi et notre confiance auraient-elles
diminué? « 2° Nous n’avons pas de
missionnaires. — Il me semble que c’est là le
plus faible motif que l’on puisse alléguer. Et en quel
temps a-t-on vu un plus
grand nombre de jeunes prêtres se destiner aux
missions? On lit dans la lettre
commune que vous en avez eu jusqu’à quinze ou dix-huit
à la fois; vous en
attendez tous les jours un grand nombre d’autres.
Quelques-uns, il est vrai, de
ceux qui étaient au séminaire, sont retournés chez eux
pour cause de maladie;
mais aucun, dites-vous, n’a renoncé à revenir un jour.
Du reste, supposons pour
un moment que vous manquez de sujets; eh bien ! voici
un moyen infaillible pour
en avoir autant que vous en voudrez. Faites imprimer
tout ce qui se trouve dans
l’article : Corée,
des Nouvelles lettres
édifiantes, joignez-y les lettres que ces
fervents chrétiens ont écrites à
différentes époques à notre Saint-Père le Pape, vous
pourrez facilement vous en
procurer des copies; envoyez-en des exemplaires aux
petits et aux grands
séminaires de France; faites un appel généreux à la
charité et au zèle de tous
ces jeunes élèves du sanctuaire et bientôt vous aurez
des missionnaires. Je
connais les Français; la perspective des dangers de
toute sorte que présente
cette périlleuse mission, ne fera qu’aiguillonner leur
zèle et leur inspirer un
nouveau courage; pour un sujet vous en aurez dix. « 3° Les besoins des autres
missions. — Ces besoins sont grands — 13 — sans doute, mais ils ne sont
pas aussi extrêmes que ceux des malheureux
Coréens. Si la charité impose aux hommes la stricte
obligation de prendre même
sur leur nécessaire, pour aider l’infortuné qui ne
pourrait point sans ce
secours prolonger sa malheureuse existence, cette
obligation ne devient-elle
pas tout autrement rigoureuse quand il s’agit de
tendre une main secourable à
tant de fervents néophytes qui ont si bien mérité de
la religion, à tant de
milliers de chrétiens encore faibles dans la foi, et
environnés de tous les
genres de séduction ? Ces infortunés, placés à l’autre
extrémité du globe,
élèvent depuis plusieurs années leurs mains
suppliantes vers le Père commun des
fidèles pour implorer son secours. Celui qui a la
sollicitude de toutes les
Églises nous fait l’honneur de choisir notre Société;
par deux fois il a appelé
à notre charité et vous croyez devoir attendre encore!
La Corée, dira-t-on, n’est
pas au nombre de nos missions, nous n’en sommes point
chargés; j’en conviens,
mais on conviendra aussi qu’un père charitable se fait
un devoir de retrancher
quelque chose du repas frugal destiné à ses enfants
pour secourir le malheureux
étranger qui est près d’expirer à ses pieds. Un ou
deux prêtres de moins dans
la totalité de nos missions ne font point un vide
sensible, mais ces deux
prêtres seront un bienfait inestimable pour une
mission entièrement abandonnée.
Quelque intérêt que je porte à la mission de Siam, je
verrais sans peine qu’on
en retirât un missionnaire pour l’envoyer dans cette
chrétienté désolée. « 4° La difficulté de
pénétrer dans ce pays. — C’est, je l’avoue, ce que
l’on
peut opposer de plus plausible; mais après tout, un
projet, pour être
difficile, n’est pas pour cela impossible et les
enfants du siècle ne sont
jamais rebutés par les difficultés, quand il s’agit de
leurs intérêts. N’y
aurait-il donc que les enfants de lumière qui se
montreraient timides et
réservés quand il y va de la gloire de Dieu et du
salut du prochain? « Un prêtre, parti de Péking
et Chinois de nation, est entré en Corée, y a
exercé le saint ministère pendant plusieurs années
quoique la persécution fût
très-violente, et a couronné ses travaux par un
glorieux martyre, et un prêtre
européen, rendu au Su-tchuen ou au Chan-si, ne pourra
pas en faire autant! Les
Coréens ont pu faire parvenir en peu d’années
plusieurs lettres jusqu’à Rome,
et ils ne pourront pas introduire un prêtre chez eux!
Je prévois la réponse que
vous allez faire; c’est par Péking que les lettres
passent, c’est le seul point
de communication; eh bien ! on fait avertir les
chrétiens coréens en adressant
les lettres — 14 — à Péking, qu’il y a un
missionnaire qui les attend dans telle ou telle
autre ville du Chan-si ou du Su-tchuen; les chrétiens
étant avertis, on avise
aux moyens de continuer la route vers la Corée; on
voit si on doit se rendre
jusqu’à la grande muraille sous la conduite des
courriers chinois; on a un
rendez-vous, des signes convenus; on use de tous les
moyens que la sagacité
jointe à la prudence peut suggérer; enfin on réussit.
Mais admettons que les
difficultés sont insurmontables, qu’il est impossible
de pénétrer dans ce pays.
Eh bien ! il faut tenter l’impossible; ce qui est
impossible aux hommes ne l’est
pas à Dieu. On observe que le moyen suggéré de s’y
rendre par mer est
impraticable, soit parce que les Européens ne font
aucun commerce avec la
Corée, soit parce qu’il est trop dangereux de
s’abandonner à la bonne foi des
Chinois, qui seuls vont quelquefois trafiquer sur les
côtes de Corée; mais, je
le demande, ces considérations ont-elles empêché saint
François Xavier de
monter à bord d’un corsaire chinois? Et nos premiers
vicaires apostoliques ne
se sont-ils pas livrés à la bonne foi des Chinois
lorsqu’il a fallu visiter les
chrétiens confiés à leurs soins qui se trouvaient
dispersés dans tant de
royaumes différents? Ce n’est pas, je l’avoue, un
moyen fort sûr : les Chinois
égorgent souvent leurs passagers quand ils soupçonnent
qu’ils portent de l’argent,
mais que faire quand on ne peut trouver mieux?
D’ailleurs on a quelque droit à
une providence plus particulière de Dieu lorsqu’après
avoir pris toutes les
précautions que suggère la prudence, on s’expose
généreusement à un danger
probable, par le seul et unique désir d’exécuter ses
ordres! J’ai dit : pour
exécuter les ordres de Dieu. Cette expression m’a
échappé, mais je ne crois pas
devoir l’effacer ni même y apporter la moindre
modification. En effet, quand
Dieu a fait un commandement exprès à tous ses apôtres
et leurs successeurs d’aller
enseigner toutes les nations, a-t-il excepté la Corée?
Mais ce commandement
devient tout autrement rigoureux en faveur de cette
intéressante chrétienté
dans les circonstances présentes. Eh quoi ! Dieu
aurait-il permis qu’un pauvre
Coréen devenu chrétien dès que la lumière de
l’Evangile a lui à ses yeux, et
transformé aussitôt en apôtre, ait converti en
très-peu de temps plusieurs
milliers de ses compatriotes, afin que cette bonne
œuvre ne pût plus être
continuée? La lumière de la foi n’aurait-elle brillé
un instant à leurs yeux
que pour disparaître aussitôt et les replonger dans de
plus épaisses ténèbres? Cette
nouvelle Église formée pour ainsi dire par elle-même,
qui a donné à
Jésus-Christ dès son berceau tant d’intrépides
martyrs, tant de chastes vierges
comparables à ce que les siècles — 15 — apostoliques ont offert de
plus grand et de plus merveilleux, cette Église
qui possède encore tant de courageux confesseurs,
lesquels, après avoir
souffert l’exil, l’esclavage, la perte de leurs biens,
prêchent encore l’Évangile
sous la hache de leurs bourreaux et augmentent d’une
manière indéfinie le
nombre des prosélytes, cette Église sera-t-elle donc
abandonnée? Quoi! le Dieu
des miséricordes est-il devenu tout à coup un Dieu
sévère et inexorable à l’égard
des Coréens qui l’ont adoré, qui l’ont aimé, qui l’ont
servi dès qu’ils l’ont
connu? Se plaira-t-il à multiplier les difficultés, à
environner leur pays d’une
barrière impénétrable afin qu’aucun de ces ministres
ne puisse parvenir jusqu’à
eux? Je croirais blasphémer .contre la Providence, si
jamais une semblable
pensée se formait dans mon esprit. « 5° Reste ce motif : qui
trop embrasse mal étreint. — Mais un vieux
proverbe n’est pas toujours une démonstration. Encore
faudrait-il montrer qu’il
est applicable à la circonstance présente. Je crois
avoir prouvé plus haut que
notre Société pouvait encore embrasser davantage et
bien étreindre. On a
observé, comme je l’ai entendu dire plusieurs fois,
que les diocèses dont les
évêques se montrent les mieux disposés pour favoriser
les vocations de
missionnaires, ont toujours un plus grand nombre de
sujets qui se destinent au
sacerdoce: ne peut-on pas espérer qu’une faveur
analogue sera accordée à une
Société qui fait de généreux sacrifices pour soutenir
une chrétienté
abandonnée? . . . « Quoi qu’il en soit, si
après un mûr examen vous jugiez encore que la
prudence et l’intérêt de la religion exigent que l’on
ajourne cette affaire, je
vais vous proposer un projet fort simple, dont
l’exécution ne peut qu’être
très-utile aux néophytes coréens, et ne compromettra
ni le temporel ni le
spirituel des missions, dont nous sommes actuellement
chargés. Sans prendre
aucun engagement pour l’avenir, proposez à la Sacrée
Congrégation d’envoyer, en
attendant, un ou deux prêtres. Ils tenteront, pour
pénétrer dans le pays, tout
ce que le zèle aidé de la prudence pourra leur
suggérer. Si jamais ils
réussissent à s’introduire, ils pourront trouver, soit
par eux-mêmes, soit par
le secours des néophytes, des moyens de faire entrer
les missionnaires qui
viendraient après eux, moyens qu’il est impossible, en
Europe, de bien
connaître et même de soupçonner. Le prêtre, parvenu
sur les lieux, soutiendrait
cette mission qui peut à chaque moment être anéantie
pour jamais, faute de
pasteurs. En attendant, la Providence ménagerait de
nouveaux secours. Si le
premier prêtre envoyé dans cette contrée ne pouvait
pas y pénétrer, ou était
mis à mort, ce serait un — 16 — gain pour lui, sans être une
perte sensible pour les autres missions. On
aurait encore la satisfaction d’avoir tout tenté, et
on n’aurait rien à se
reprocher. « Mais quel sera le
prêtre qui voudra se charger de cette périlleuse
entreprise? — votre serviteur. Quelque désir qu’ait
Mgr de Sozopolis de voir un
grand nombre de missionnaires dans son vicariat, il
fera avec joie le sacrifice
d’un de ses prêtres en faveur des malheureux Coréens.
J’en ai déjà parlé à Sa
Grandeur; elle a manifesté le désir que je vous en
écrivisse. Elle a lu ma
lettre, et est résolue à tout, si le Saint-Père
approuve ma demande. Car je ne
dois pas vous laisser ignorer que j’ai écrit à Rome à
ce sujet, pour ce qui me
concerne seulement, sans faire aucune mention de la
décision que vous semblez
avoir prise. « Je ne vois pas que ma
destination présente doive faire rejeter ma
proposition. Monseigneur a reçu du Souverain Pontife
des brefs qui l’autorisent
à se choisir un coadjuteur sous le titre d’évêque de
Capse, et m’a donné à
entendre qu’il avait des vues sur moi, quoique
j’espère qu’il n’en sera rien.
Mais je suppose que, malgré toutes les raisons que je
puisse apporter,
Monseigneur exige que je donne mon consentement, je ne
vois pas quel obstacle
cette nomination pourrait apporter à mon projet. Un
évêque n’est ni moins
robuste, ni moins apte aux fonctions du saint
Ministère; il n’a au contraire
que plus de grâces et un pouvoir plus étendu pour
faire le bien. Il est
possible que le missionnaire envoyé dans ces contrées
éloignées, ne puisse de
longtemps avoir des communications avec l’Europe, et
se trouve très-souvent
fort embarrassé s’il n’est que simple prêtre; mais
s’il est évêque, il peut,
quoique seul, lever bien des difficultés, il peut
ordonner prêtres de pieux
néophytes, après s’être assuré de leurs talents et de
leur piété, en attendant
que la divine Providence donne la facilité de former
un établissement durable
pour élever de jeunes ecclésiastiques. L’exemple d’une
translation d’un évêque
d’une mission dans une autre n’est pas rare. Je vous
prie donc instamment d’appuyer
de tout votre crédit ma proposition auprès du
Saint-Siège. Monseigneur connaît
mes intentions et les approuve. Si le temps le permet
il se propose d’en écrire
lui-même à la Sacrée Congrégation. « Je finis en vous rappelant
les paroles de saint Vincent de Paul : « Or
sus, mesdames, la compassion et la charité vous ont
fait adopter ces petites
créatures pour vos enfants, vous avez été leurs mères
selon la grâce depuis que
leurs mères selon la nature les ont abandonnées; voyez
maintenant si vous — 17 — voulez aussi les abandonner.
Cessez d’être leurs mères pour devenir leurs
juges. Leur sort est entre vos mains; ils vivront si
vous continuez d’en prendre
un charitable soin. Au contraire, ils mourront
infailliblement si vous les
abandonnez. » De même, le Père commun des fidèles
sollicite notre Société de
devenir la mère et l’appui de ces fervents et
malheureux néophytes, depuis que
leur mère l’Eglise de Péking, sans les avoir
abandonnés, se trouve dans l’impossibilité
absolue de leur donner du secours; leur destinée est
en quelque sorte entre vos
mains. Si vous acceptez l’offre que vous fait la
Sacrée Congrégation, cette
chrétienté intéressante existera, et de là peut-être
la foi s’étendra dans les
provinces immenses de la Tartarie. Son voisinage avec
le Japon, le commerce que
ces deux nations font ensemble, la conformité de mœurs
et de caractère, tout
semble promettre que les chrétiens coréens seront
l’appui et les nouveaux
apôtres des infortunés Japonais et des habitants des
îles de Yesso, etc., etc.
Si, au contraire, vous renoncez à cette mission, ces
malheureux néophytes
désespérés, sans secours, sans consolation, pourront
perdre courage et retomber
dans leurs anciennes superstitions, et l’espoir
d’étendre le royaume de
Jésus-Christ dans ces contrées éloignées sera perdu
pour toujours ! « Je suis, messieurs et
très-chers confrères, votre très-humble et
très-respectueux serviteur. « Bruguière, miss. ap. «
Bang-kok, 19 mai 1829. » M. Bruguière avait donc fait
plus que de plaider la cause des Coréens, il s’était
offert lui-même au Vicaire de Jésus-Christ pour être
envoyé dans cette mission
périlleuse. Il eut cependant quelque scrupule de
s’être si fort avancé, et il
écrivit au Saint-Père une seconde lettre dans laquelle
il disait : « Je suis
dans les mêmes dispositions par rapport à la mission
de Corée; mais il est des
désirs qui ne sont pas toujours inspirés par le
Saint-Esprit; il est une voie
qui semble droite à l’homme, et qui néanmoins conduit
à la mort. Vous êtes
constitué le vicaire de celui qui a dit : Allez,
enseignez toutes les nations,
je conjure donc Votre Sainteté d’examiner ma vocation;
si Elle l’approuve, qu’Elle
me commande de partir. En attendant la déclaration de
ses intentions, je m’efforcerai
de remplir ma tâche dans la mission où je me trouve,
comme si je devais y
rester toujours, et — 18 — cependant je me tiendrai
prêt, comme si je devais la quitter à l’instant
même. » La démarche de M. Bruguière
était approuvée par Mgr Florent. Ce vénérable
évêque, qui venait de le choisir pour son coadjuteur
et qui s’était écrié : «
Je suis au comble de la joie; j’aurai un successeur en
mourant, » consentait
généreusement à le laisser partir. Voici ce qu’il
écrivait à ce sujet aux
directeurs du séminaire : « M. Bruguière s’offre de
tout cœur, si la chose est
nécessaire, pour aller au secours des pauvres Coréens,
et moi, de mon côté, si
c’est pour la plus grande gloire du Seigneur, je le
céderai volontiers. Ceci
vous surprendra sans doute, et vous fera peut-être
penser et dire que le
vicaire apostolique et son coadjuteur ont perdu la
tête. Grâces à Dieu, je
crois qu’elles sont encore saines. Mais quelle
conduite ! dira-t-on; il demande
un successeur, il l’a, et il le lâche aussitôt. Mais
puis-je craindre que le
Seigneur se laisse vaincre en libéralité? J’approuve,
ainsi que l’a fait la
Sacrée Congrégation, vos raisons de sagesse et de
prudence, mais si nous
faisons une réflexion sérieuse sur ce qui se passe
tous les jours sous nos
yeux, toutes vos raisons pourront perdre une partie de
leur force. Vous voyez
comment dans le temps où tout semblait perdu, et où
toutes nos missions
paraissaient tendre à leur fin, faute d’ouvriers et
faute de revenus, la Providence
est venue à notre secours d’une manière bien admirable
et qu’on pourrait dire
tenir du miracle. Quand est-ce, en effet, qu’on a vu
plus de missionnaires et
plus d’aumônes pour les missions qu’à présent?
Pourrions-nous, sans faire
injure à la Providence divine, n’avoir pas la
confiance qu’elle viendra à notre
aide quand sa plus grande gloire y sera intéressée? Le
salut d’un grand nombre
d’âmes sera un titre puissant pour exciter la
miséricorde de Dieu en notre
faveur. Je supplie le Seigneur d’exaucer le vœu des
pauvres Coréens, et de leur
envoyer bon nombre de missionnaires vraiment
apostoliques. » En attendant la décision du
Souverain Pontife, M. Bruguière continua ses
travaux dans le royaume de Siam. Il reçut la
consécration épiscopale à Bang-kok
en 1829, le jour de la fête des bienheureux apôtres
Pierre et Paul, et cette
augmentation de grâce ne fit qu’accroître son zèle.
Envoyé dans l’île de
PouloPinang, pour y fixer sa résidence, non-seulement
il travailla lui-même
avec une ardeur infatigable, et, en moins d’un an,
parvint à retirer de leurs
désordres beaucoup de pécheurs publics, mais il
réussit encore à établir des
prêtres à Badang, à Nias et dans l’île importante de
Singapour. Tout en se
livrant corps et — 19 — âme aux fonctions du
ministère pastoral, Mgr Bruguière conservait toujours
au fond du cœur l’espérance secrète d’être chargé de
la Corée, lorsque des
lettres lui apprirent que cette mission avait été
donnée à une autre
congrégation. Il remercia Dieu d’avoir exaucé une
partie de ses vœux, il envia
le sort de ceux qui devaient être envoyés dans cette
malheureuse et
intéressante mission, et il pria plus que jamais pour
le succès de l’entreprise.
Cette nouvelle toutefois était sans fondement. Un bref
du Pape, en date du 9
septembre 1831, avait érigé la Corée en vicariat
apostolique, et un autre bref,
du même jour, l’avait nommé lui-même premier vicaire
apostolique de cette
mission (1). (1) Voici le texte de ces
deux pièces importantes : GREGORIUS
PP. XVI. AD
PERPETUAM REI MEMORIAM. 1 . Ex débite pastoralis
officii superna Dei providentia humeris Nostris
impositi onus ferentes totius gregis Dominici, illis
praecipue ovibus, quae
regiones à Sede hac Apostolica, ubi catholicae centrum
est unitatis, longe
dissitas incolunt, majori consulendum sedulitate
censemus, ut in adventu
pastoris aeterni repertae sicut oportet, par
apostolicam curam intra verum
ovile, ad pascua cœlestia vocari valeant, feliciterque
perduci. 2. Quum non minima spes
fulgeat, ut tandem aliquando in Coreae regnum
missionarii apostolici ingredi queant, qui
Christianorum illic de gentium
necessitatibus subveniant, eamque vineae Domini partem
catechesibus excolant et
sacramentorum administratione; quumque prœfati regni
incolœ nonnisi raro et
difficillime cum cseteris Sinarum regionibus
communicare possint, Nos, de
venerabilium fratrum Nostrorum Sanctae Romanae
Ecclesiae Cardinalium negotiis
Propagandes Fidei prsepositorum consilio, opportunum
ducimus regnum Coreanum, nunc
pro tunc in novum vicariatum apostolicum erigere, et
in eum vicarium
apostolicum constituere ab episcopo Pekinensi omnino
independentem. 3. Motu igitur proprio atque
ex certa scientia et matura deliberatione
Nostris, deque apostolicae potestatis plenitudine, vi
praesentium litterarum
apostolicarum, Coreanum regnum in novum vicariatum
apostolicum nune pro tunc erigimus,
et in eo vicarium apostolicum constituendum ab
episcopo Pekinensi omnino
independentem declaramus, ac hujusmodi vicario ab hac
Sancta Sede eligendo
omnes et singulas facultates vicariis apostolicis in
regionibus Sinarum, vel
Sinis adjacentibus concedi solitas dicta Nostra
auctoritate concadimus et
impertimur. 4. Decernantes has praesentes
litteras firmas, validas et efficaces — 20 — Mgr Bruguière fut bientôt
instruit de cette décision du Saint-Siège. En
même temps l’évêque de Nanking, qui alors administrait
le diocèse de Péking,
lui écrivait : « J’ai annoncé aux chrétiens de Corée,
venus cette année à
Péking avec l’ambassade, qu’un missionnaire européen
avait le désir d’aller
chez eux. A cette nouvelle, ces bons néophytes ont
pleuré de joie; ils se sont
prosternés et ont salué de loin ce prêtre qui avait
compassion de leur misère.
Ils ont avoué qu’il était difficile existera et fore, suosque
plenarios et integros effectus sortiri et
obtinere, ac iis ad quos spectat ac in futurum
spectabit plenissime suffragari,
et ab omnibus inviolabiliter observari; sicque in
praemissis per quoscumque
judices ordinarios et delegatos etiam causarum palatii
Nostri Apostolici
auditores judicari et defmiri debere, ac irritum et
inane si secus super bis a
quoquam quavis auctoritate scienter vel ignoranter
contigerit attentari. 5. Non obstantibus
constitutionibus et sanctionibus Apostolicis,
caeterisque
etiam speciali et expressa mentione et derogatione
dignis, contrariis
quibuscumque. Daturn Romae apud Sanctam
Mariam Majorem sub annulo Piscatoris die
nonaseptembris millesimo octingentesimo trigesimo
primo, pontificatus Nostri
anno primo. VEN. FRATRI BARTHOLOMAEO
BRUGUIÈRE EPISCOPO CAPSENSI. GREGORIUS PAPA XVI. VENERABILIS FRATER, SALUTEM
ET APOSTOLICAM BENEDICTIONEM. Pastorale officium Nobis ex
alto commissum nihil Nos magis sollicitât quam
Christi fidelibus ut in viam mandatorum Dei
dirigantur, atque ad seternam
animarum suarum assequendam salutem opportunis
prsesidiis adjuventur, omni quo
cum Deo possumus studio providere. Quum itaque tu,
Ven. Frater, quicoadjulor Episcopi
Sozopolitani vicarii apostolici Siamensis, humiliter
petieris, ut tibi liceat
Coreanum regnum ingredi, et Coreanorum neophytorum
curam suscipere, Nos
perpensis Coreanorum christianorum necessitatibus,
habitaque insuper ratione
quod vicarius apostolicus Siamensis facili negotio
alium idoneum presbyterum
invenire possit, quern in coadjutorem sui eligat, de
consilio Ven. Fratrum
Nostrorum S. R. E. Cardinalium tuis precibus benigne
annuentes, tibi permittimus,
ut, si nihil obstet, ad novam missionem proficiscaris,
qua quidem ad exitum
prospere feliciterque perducta, etiam nunc te in
vicarium apostolicum pro regno
Coreae cum omnibus facultalibus vicariis apostolicis
in regionibus Sinarum, vel
Sinis adjacentibus concedi solitis, ad Nostrum et
Sedis Aposîolicœ
beneplacitum, auctoritate Apostolica tenore
prsesentium eligimus, et deputamus,
facimus et d’introduire un Européen dans
leur royaume. Ils n’ont pas dit cependant que
ce fût impossible. » A la réception de ces nouvelles,
Mgr Bruguière n’hésita
pas un moment, et, sans attendre l’arrivée des pièces
officielles, n’ayant
aucune ressource pécuniaire, il se mit en route pour
la Corée accompagné seulement
d’un jeune Chinois. Un missionnaire de la mission
de Siam aurait voulu suivre l’évèque de Gapse
: c’était M. Jacques-Honoré Chastan, du diocèse de
Digne, qui, depuis quelques
années, travaillait avec beaucoup de zèle dans l’île
de Pinang. On lui avait
fait espérer que si la mission de Corée était confiée
à la Société des Missions
Étrangères, il pourrait y être envoyé, et, depuis
cette époque, ce poste
dangereux était l’objet de tous ses désirs. Il fut
convenu que, quand les
circonstances seraient favorables, il se mettrait en
route au premier appel. En attendant, le seul
auxiliaire de Mgr Bruguière devait être un prêtre
chinois envoyé directement par la Propagande. Il avait
été élevé à Naples, dans
un collège fondé pour instruire des Chinois et les
préparer aux saints Ordres.
Lorsqu’on apprit, dans ce collège, que la Sacrée
Congrégation désirait envoyer
des prêtres en Corée, deux élèves s’offrirent
d’eux-mêmes pour cette mission.
On les accepta avec joie, et ils furent placés sous
l’autorité de l’évèque de
Capse. Mais l’un d’eux renonça bientôt à son dessein.
L’autre, nommé Pacifique
Yu, eut plus de persévérance; il quitta l’Europe
immédiatement, et lorsque Mgr
Bruguière se mit en route, le P. Pacifique était déjà
arrivé en Chine, et
cherchait les moyens de pénétrer en Corée. Nous allons maintenant
laisser l’évèque de Capse nous raconter lui-même les
épisodes divers de son long voyage, les difficultés
sans nombre qu’il
rencontra, et ses négociations avec les constituimus, salva tamen
semper in praemissis Congregationis eorumdem
Cardinalium auctoritate. Mandamus propterea omnibus et
singulis ad quos spectat
ac spectabit in posterum, ut tibi in praemissis
prompte pareant et obediant,
tuaque salubria monita et mandata humiliter
suscipiant, et efficaciter adimplere
procurent, alioquin sententiam sive pœnam, quam rite
tuleris, seu statueris in
rebelles ratam habebimus, et faciemus auctorante
Domino usque ad satisfactionem
condignam inviolabiliter observari. Non obstantibus,
etc. quibuscumque. Datum Romae apud S. M. M. sub
annulo Piscatoris die 9 septembris 1831, pontificatus
Nostri anno primo. Th. card. Bernetti. — 22 — Coréens envoyés à Péking.
Tous ces détails sont consignés dans une relation
très-intéressante qu’il adressa aux directeurs du
séminaire des
Missions-Étrangères. Il ne se contente pas d’y parler
de son voyage : il donne
beaucoup de notions historiques, géographiques et
scientifiques sur les pays qu’il
eut à parcourir, et on s’étonne, en le lisant, qu’un
homme malade, affaibli par
les privations, absorbé par des préoccupations de tout
genre, n’ayant presque
aucun livre sous la main, ait pu écrire ces pages
pleines d’érudition et d’observations
curieuses. Les Annales de la Propagation de la Foi ont
imprimé, en 1837, la
plus grande partie de cette relation. Nous ne
donnerons ici que les passages
qui se rapportent au voyage du missionnaire et à
l’histoire de l’Église de
Corée. |