Le Bois Sec Refleuri Traduit par Hong-Tjyong-Ou V
Wicked
prime-minister Ja-Jyo-Mi
wishes to be king. When the king dies his son is still
only a child. After overcoming
the enmity of the governors by fear, Ja-Jyo-Mi sends the
child-king into exile
on the island of Tchyo-To. San-Syeng hears of his
misfortune, wants to help. He
dreams of a man who says he is from his family, is
called San-Houni, and was
killed by Sù-Roung. He encourages him to help the
child-king but refuses to
tell him about his family. He sets out but finds it
impossible to land on Tchyo-To
because of the guards. C'était le premier ministre, Ja-Jyo-Mi,
qui avait été la cause première de
tous les malheurs arrivés à Sùn-Hyen et à San-Houni. Ce
personnage n'ayant plus
personne à redouter jouissait maintenant d'un pouvoir
absolu. Le roi avait en
lui la confiance la plus entière, et se reposait sur lui
de tous les soins du gouvernement.
Ja-Jyo-Mi en avait profité pour donner toutes les
fonctions importantes à ses
créatures. C'est ainsi qu'il se débarrassa d'un général
qui lui était hostile
et le remplaça par un de ses plus dévoués partisans.
Tant de puissance ne
satisfaisait pas encore l'ambitieux ministre. Pourquoi
n'irait-il pas jusqu'au
bout, et ne s'asseoirait-il pas sur le trône? Pour le
moment ce n'était qu'un
rêve, mais Ja-Jyo-Mi espérait bien le réaliser un jour.
Il attendait une
occasion favorable. Celle-ci ne tarda pas à se
présenter. Le roi tomba subitement malade. Son état
était si grave que les médecins
durent avouer leur impuissance à guérir le monarque. Ce
dernier ne se faisait
pas d'illusions. Il sentait la mort l'effleurer de son
aile, de son aile faite
des larmes de l'humanité. Quelques instants avant de
mourir, il manda le
premier ministre, auquel il parla de la façon suivante :
— Je vais mourir. Mon plus grand regret
est de laisser un fils trop jeune
encore pour bien gouverner le pays. Les factieux vont
profiter de la situation
pour troubler le royaume. Et pourtant je veux que mon
fils me succède sur le
trône. Aussi j'attends de vous une dernière preuve de
dévouement. Promettez-moi
de faire profiter cet enfant do vos conseils ;
apprenez-lui à gouverner en suivant
le bon chemin ; achevez son éducation. » Ja-Jyo-Mi jura solennellement qu'il
observerait de point en point les
dernières recommandations de son maître. Le moribond
désirant voir son fils, ce
dernier accourut. Le monarque serra tendrement l'enfant
dans ses bras ; il
semblait vouloir par lui se rattacher à la vie qui
l'abandonnait. Mais l'heure
fatale était arrivée. Le roi exhala son dernier soupir
en un sanglot. Son fils,
écrasé par la douleur, poussait des cris désespérés : «
Oh ! mon père, mon seul
soutien, pourquoi m'abandonnes-tu? Pourquoi me quitter?
» A la fin il
s'évanouit. Le premier ministre qui avait assisté à
cette scène, chercha à prodiguer au
jeune prince d'hypocrites consolations. Ses paroles
étaient loin de concorder
avec ses pensées. La mort du roi le remplissait de joie,
car elle rendait plus
facile l'exécution du projet qu'il méditait depuis si
longtemps. Quand toutes les cérémonies des
funérailles eurent été terminées, les
gouverneurs des différentes provinces se réunirent. Il
s'agissait de désigner le
nouveau roi. Les gouverneurs portèrent leur choix sur le
fils du roi défunt.
Cette décision exaspéra Ja-Jo-Mi. Il protesta hautement,
disant que le prince
était trop jeune pour s'occuper des affaires du pays. Il
fit un tableau
effrayant de ce que serait le gouvernement en de
pareilles mains, puis ajouta :
— D'ailleurs, le roi mourant m'a désigné
pour gouverner jusqu'au moment où
son fils sera capable de me remplacer. Le premier ministre attendait un grand
effet de cette communication. Les
gouverneurs se contentèrent d'échanger entre eux des
regards d'intelligence, et
ne soufflèrent mot. Cet accueil glacial ne pouvait laisser à
Ja-Jo-Mi le moindre doute au sujet
des dispositions des gouverneurs à son égard. Renonçant
à la persuasion, il
résolut d'employer la force. II fit venir le général
dont le concours lui était
assuré, et lui dit: — Vous jelerez en prison tout gouverneur
qui me sera hostile. » Le général,
s'inclina en signe d'obéissance et de respect. Quoique
très effrayés, les gouverneurs
ne cédèrent pas à cette nouvelle intimidation. Alors
Ja-Jo-Mi condamna
plusieurs d'entre eux, et des plus influents, au
bannissement. Personne ne
pouvait s'opposer à l'exécution de ses ordres. Ayant ainsi dompté l'opposition des
gouverneurs, Ja-Jo-Mi s'en fut trouver
le jeune roi. — Prince tout puissant, dit-il en
s'inclinant respectueusement,
pardonnez-moi si j'ose troubler votre douleur. Le bien
du peuple exige que je
vienne vous entretenir de certaines choses dont je
n'eusse pas sans cela voulu
vous parler dès maintenant. — Parle, dit le jeune roi. — Vous n'ignorez pas que, d'après les
règles établies par le grand
philosophe Kong-Tji, nul ne peut régner avant d'avoir
atteint un certain âge.
Or, malgré votre haute intelligence et vos remarquables
aptitudes, vous êtes
encore trop jeune pour gouverner seul. Votre père, mon
regretté maître, m'a
prié, en mourant, de m'occuper des intérêts de l'Etat,
en attendant que vous
fussiez en mesure de le faire vous-même. C'est avec
regret que je vous rappelle
cette volonté dernière du roi défunt, car je ravive
votre douleur. Mais
j'espère que vous vous conformerez aux désirs de votre
père et aux conseils de
la philosophie. Ja-Jo-Mi avait espéré convaincre le jeune
prince en employant de pareils
arguments. Grand fut donc son étonnement quand le
nouveau roi lui répondit : — Vous interprêtez à votre guise et dans
votre intérêt les dernières
paroles de mon cher père. Il vous a prié de me guider,
de me conseiller; mais
non pas de me remplacer à la tête de l'Etat. Sachez que
j'ai l'intention de
gouverner par moi-même. Je n'ai rien à ajouter. C'était un congé en bonne forme. Ja-Jo-Mi,
feignant de se rendre aux ordres
de son souverain dit, en se retirant à reculons : «
Sire, il sera fait ainsi
que vous l'ordonnez. » Ainsi l'ambitieux ministre avait rencontré
dans l'énergie du jeune roi un
obstacle à l'exécution de son projet. Cependant il ne se
découragea pas.
Puisque le prince ne voulait pas lui céder la place de
bon gré, il l'usurperait
par la force. Rien n'était plus facile. Tous les
fonctionnaires de la capitale
étaient dévoués à Ja-Jo-Mi, car c'était de lui qu'ils
tenaient leurs places. Le
peuple n'était pas à redouter; car il manquait de chefs.
Un beau jour, le roi
se vit arrêté et transporté à Tchyo-To. Le premier
ministre avait ordonné que
le prisonnier fut jour et nuit gardé à vue par les
troupes. El de fait, le
prince déchu était l'objet de la surveillance la plus
étroite. Ja-Jo-Mi était pour le moment maître du
terrain. Il espérait être bientôt
complètement débarrassé du roi légitime, et finir
tranquillement ses jours sur
le trône qu'il avait traîtreusement usurpé. Ces événements avaient jeté un trouble
profond dans toute la Corée. Le
peuple murmurait, mais sans oser manifester trop
ouvertement son mécontentement.
La conduite du premier ministre était l'objet de toutes
les conversations. Dans
les rues, il se formait des rassemblements où l'on
discutait avec animation. Un
jour que San-Syeng se promenait, il vit un de ces
attroupements. Il s'empressa
de rentrer à son hôtel et dit à Hang-tjoun (son
propriétaire) qui avait
autrefois occupé une position importante dans l'armée :
Qu'est-il arrivé ? J'ai
vu les habitants de cette ville, généralement très
calmes, en proie à une
surexcitation extraordinaire. Quelle en est la cause ? — Comment, vous ne savez rien ? répondit
Hang-tjoun. On dit que le premier
ministre, qui jouissait d'une réputation détestable,
vient de mettre le comble
à son infamie en exilant le fils du roi défunt. Au lieu
d'occuper le trône
notre jeune prince est en prison. San-Syeng fut consterné. N'écoutant que
son noble coeur, il résolut de
venir par un moyen ou un autre au secours de l'infortuné
jeune roi. Un rêve qu'il eut cette nuit là ne fit que
le confirmer dans sa résolution.
Il se vit abordé, en songe, par une personne qu'il avait
déjà rencontrée au
cours de son voyage et qui lui demanda son nom. — Je m'appelle San-Syeng. — Eh bien, j'appartiens à la même lamille
que vous ; je me nomme San-Houni
; j'ai été exilé de la capitale par Ja-Jo-Mi. Je devais
me rendre à l'île de
Ko-Koum-To, mais j'ai été assassiné en route par le
voleur Sù-Roung. Ecoutez,
j'ai quelque chose à vous demander. En ce moment, le
fils du roi défunt est en
exil à Tchyo-To. Il est, lui aussi, une victime de
Ja-Jo-Mi. Allez à son
secours. San-Syeng répondit à son interlocuteur
qu'il était tout à fait disposé à
seconder le jeune roi. — Ne pourriez-vous pas,
demanda-t-il ensuite, me donner
quelques renseignements au sujet de ma famille ? — Il m'est impossible de satisfaire votre
désir pour le moment, lui fut-il
répondu. Là-dessus, San-Syeng se réveilla. Il se
rappelait son rêve dans ses
moindres détails. Quel était donc ce mystère qui planait sur
Sù-Roung ? San-Syeng avait
entendu traiter de voleur celui qu'il avait considéré
comme son père, et
maintenant on le lui représentait comme un assassin !
Tout cela donnait
beaucoup à réfléchir au jeune homme. Cependant, le plus
pressé pour le moment
était d'aller au secours du jeune roi exilé. San-Syeng
se mit immédiatement en route
pour Tchyo-To. C'était une île d'un abord assez facile.
Mais, sur les ordres de Ja-Jo-Mi,
personne ne pouvait débarquer sans une autorisation du
premier ministre.
San-Syeng tenta vainement de tromper la surveillance des
soldats placés en
faction. Il dut bien s'avouer que, pour le moment, il
lui était impossible de
pénétrer dans l'île. Sans se décourager, il résolut
d'attendre, qu'une
circonstance favorable lui permit de mettre son projet à
exécution. |