Le Bois Sec Refleuri Traduit par Hong-Tjyong-Ou I The wise and honest minister Sùn-Hyen,
shocked on seeing people lying in
the street dead of hunger, scolds the king for spending
too much on feasts and
pleasure. The wicked, ambitious prime minister Ja-Jyo-Mi
forges a letter
addressed to San-Houni, Sùn-Hyen’s closest friend,
apparently written by Sùn-Hyen,
criticizing the king harshly, and arranges for it to be
found in the street by
the police. As a result, Sùn-Hyen and his wife are sent
into exile on the
island Kang-Syn, San-Houni and his wife are exiled to
the island of Ko-Koum-To. A l'époque où la ville de Hpyeng-Yang
était encore la capitale de la Corée,
elle comptait parmi ses habitants un haut dignitaire de
la cour, du nom de Sùn-Hyen,
qui ne devait sa situation élevée qu'à sa seule
intelligence. Très-riche, Sùn-Hyen ne méprisait
personne, cherchant au contraire à
obliger tous ceux qui s'adressaient à lui. Son plus
grand bonheur était
précisément de soulager les misères d'autrui. Aussi
était-il très-aimé du
peuple, qui voyait en Sùn-Hyen son protecteur le plus
désintéressé et avait en
lui une confiance absolue. Or un jour tout changea. La fortune
longtemps favorable à Sùn-Hyen,
l'abandonna tout à coup. D'heureux et de puissant, notre
héros devint le plus
infortuné et le plus misérable des hommes. Voici à la
suite de quelles
circonstances. Le roi de Corée donnait un grand banquet.
Ses principaux convives étaient
les gouverneurs de province et les dames de la cour. La
fête fut très-joyeuse ;
ce n'étaient que chants d'allégresse, au son d'une
musique harmonieuse. Quand
on vint en informer Sùn-Hyen, celui-ci, au lieu de se
réjouir, fut en proie à
une grande tristesse. Pour s'arracher à ses
préoccupations, il résolut d'aller
voir son ami San-Houni, un des plus grands savants de la
Corée. Sùn-Hyen sortit
accompagné de son intendant. En chemin, son attention fut subitement
attirée par un grand rassemblement.
« Allez-voir ce que c'est dit-il à son intendant ».
Celui-ci s'éloigna en
courant pour exécuter l'ordre de son maître. Il s'ouvrit
un chemin à travers la
foule rassemblée et put bientôt se rendre compte de ce
qui se passait. On venait de relever plusieurs personnes,
mortes sur la voie publique. Dès
que l'intendant eut vu ce spectacle, il revint
promptement vers son maître, et
le mit au courant de l'événement. Sùn-Hyen se sentit profondément ému en
apprenant la chose. Mais, sans
perdre de temps, il fit appeler un agent de police,
auquel il demanda : — Savez-vous à quoi il faut attribuer la
mort de ces malheureux ? — Oui Seigneur ; ils sont morts de faim. — Pourquoi ne pas les relever alors, et
les laisser ainsi au milieu de la
rue, reprit Sùn sur un ton de reproche. — Je vais sur le champ faire ce que vous
m'indiquez, Seigneur, dit l'agent
qui se dirigea d'un pas empressé vers l'attroupement. Sùn de son côté, n'alla pas chez son ami
San-Houni. Il se rendit au palais,
et fut immédiatement introduit auprès du roi. Le monarque fit à Sùn un excellent accueil
en lui disant : — Il y a très-longtemps que vous ne m'avez
pas fait le plaisir de venir me
voir. — Sire, répondit Sùn, je ne quitte que
rarement ma maison. — Et qu'est-ce qui vous retient ainsi chez
vous ? — Mes occupations, Sire, ou la maladie. Si
je suis venu vous trouver
aujourd'hui, c'est que j'avais une communication
très-importante à vous faire.
Plusieurs de vos sujets viennent de mourir de faim sur
la voie publique. La
chose me parut d'abord incroyable. Je ne pouvais
supposer que si mon roi
connaissait la triste situation de ses sujets, il se
livrerait aux plaisirs
comme vous le faites, Sire. Pourtant, j'ai dû me rendre
à l'évidence. Il y a
quelques minutes à peine, j'ai vu de mes propres yeux,
trois malheureux morts
d'inanition. Ces paroles impressionnèrent profondément
le roi, qui, d'une voix émue
demanda à Sùn : — Que faut-il faire, selon vous ? Je ne
puis croire que ce malheur
provienne de ce que je mène une existence de fête et de
plaisirs. — Sire, reprit respectueusement Sùn, c'est
là au contraire qu'est le mal.
Qui est-ce qui paie les frais de vos distractions ?
C'est votre peuple, et les
gouverneurs au lieu de faire leur devoir, mènent, eux
aussi, joyeuse vie.
Croyez en la parole de votre vieux serviteur dont vous
connaissez le dévouement
à vos intérêts. — Je vous remercie de votre franchise
reprit le roi, mais, franchement, je
ne me doutais guère de ce que vous venez de me dire. Je
tâcherai de réparer mes
fautes. Sur ces mots, Sùn prit congé du souverain
et rentra chez lui, où il raconta
à sa femme ce qui venait de se passer. — Vous avez noblement agi dit-celle-ci.
Mais, j'ai comme un pressentiment
que votre dévouement au roi vous coûtera cher. — Pourquoi demanda Sùn. — Le roi ne suivra pas votre conseil, car
voici ce qui va se passer. Les
gouverneurs mis en cause par vous, ne se laisseront pas
ainsi accabler. C'est
sur vous que retombera leur colère. Oui, je redoute les
suites de tout cela. — Rassurez-vous, ma chère. Le roi a fait
le meilleur accueil à mes paroles,
et jusqu'ici il n'a jamais méprisé mes conseils. — Je souhaite de tout mon coeur que vous
ayez raison. Laissons donc faire
le temps. Cependant le roi se laissait aller au
repentir. Sa conduite lui causait des
remords, et ne voulant pas tarder davantage à suivre les
conseils de Sun, il
fit mander son premier ministre. Celui-ci, accourut aussitôt. Il se nommait
Ja-Jyo-Mi. C'était un homme
auquel sa dureté de caractère avait valu une terrible
réputation. Il avait
formé le dessein d'usurper le trône, mais ne s'en était
ouvert à personne
jusqu'à ce jour. Le roi demanda à son ministre : — N'avez-vous rien de nouveau à
m'apprendre ? — Absolument rien, Sire. A ces mots, le roi s'écria d'un ton
très-animé : — Comment, vous premier ministre, vous ne
savez même pas qu'il vient de
mourir plusieurs personnes sur la voie publique, et que
leur mort est attribuée
au manque de nourriture. S'il y a quelqu'un qui doive
être bien renseigné sur
ce qui se passe dans mon royaume, c'est pourtant bien
vous. — Sire, de qui tenez-vous cette nouvelle.
— De M. Sùn-Hyen. — Ah ! Cela n'empêche cependant pas, que
j'aie peine à y croire. Je viens
en effet de recevoir les rapports de la police, et je
n'y vois pas un mot au
sujet de cet événement. Aussi, suis-je de plus en plus
étonné. — Quoi qu'il en soit dit le roi, je veux
que la fête de ce soir, ne
continue pas un instant de plus. — Vos ordres vont être exécutés Sire. Dès
que je les aurai transmis, je me
rendrai à mon bureau et prendrai des informations au
sujet de ce que vous venez
de m'apprendre. S'inclinant respectueusement devant le
monarque Ja-Jyo-Mi s'éloigna.
Quelques minutes à peine étaient écoulées, que le palais
où retentissaient
jusqu'alors des bruits de fête, rentra dans le plus
complet silence. Le premier ministre, de retour dans son
bureau, se mit à réfléchir sur la
situation. Il était très-inquiet, craignant de se voir
dépossédé de son rang, à
la suite des révélations de Sùn-Hyen. C'est ce dernier
qui est la cause de
tout, c'est de lui qu'il faut tirer vengeance. Pour
empêcher que de pareils
faits se reproduisent, il n'y a qu'un moyen : c'est de
se débarasser de Sùn en
l'exilant. Ce dangereux personnage une fois parti, rien
ne pourra contrarier
Ja-Jyo-Mi, dans l'exécution de ses ambitieux projets, et
il pourra facilement
monter sur le trône. Telles sont les réflexions du premier
ministre. Mais il fallait trouver un
prétexte à l'exil de Sùn. Ja-Jyo-Mi eut bientôt arrêté
son plan. Il résolut d'écrire lui-même à San-Houni,
une lettre, pleine d'amères
critiques et de menaces contre le roi. Cette lettre il
la signera du nom do
Sùn-Hyen, Puis il la remettra, au roi en lui disant
qu'elle a été trouvée sur
la voie publique par un agent de police. Aussitôt dit. aussitôt fait. La lettre est
écrite. Ja-Jyo-Mi, s'étant
déguisé, sort, laisse tomber sa missive en passant
auprès d'un agent de police,
et s'éloigne rapidement. Quand l'agent de police qui
s'est baissé pour ramasser
le paquet se relève, il ne voit plus personne. Il va
porter sa trouvaille à son
chef, pour que celui-ci prenne connaissance de la lettre
et la fasse restituer
a son auteur. Le chef de la police lut en effet la
lettre. Grand fut son étonnement.
Voulant faire preuve de son zèle, il courut au palais,
et d'un air mystérieux
demanda a être reçu immédiatement par le roi. Le monarque, fit introduire sur le champ
le chef de la police qui lui
apprit ce qui venait d'avoir eu lieu. On s'imagine la
surprise du roi. Voulant
éclaircir la chose, il fit de nouveau appeler son
premier ministre. Ja-Jyo-Mi accourut avec empressement. Dès
qu'il fut arrivé, le roi lui
tendit la fameuse lettre, en lui demandant s'il croyait
que Sùn-Hyen en fut
vraiment l'auteur. Le premier ministre feignit de lire la
missive. Il vit que le roi était
dans l'incertitude, et résolut d'en profiter pour
accabler Sùn-Hyen. — Sire, dit-il, il arrive souvent qu'on
soit trompé par ceux qu'on se croit
les plus dévoués. En ce qui concerne Sùn, je le crois
parfaitement capable de
cette infamie. Je sais depuis longtemps qu'il ne songe à
rien moins qu'à
prendre votre place sur le trône. Quant aux troubles
dont il est venu vous
entretenir, c'est lui-même qui les a suscités. — Cela suffit, mon fidèle Ja-Jyo-Mi, dit
le roi. Qu'on jette Sùn en prison,
il sera ensuite jugé. Le premier ministre, joyeux de son
triomphe, fit à l'instant arrêter Sùn.
Le roi prévenu, alla trouver lui-même le prisonnier. — Reconnaissez-vous cela, lui demanda-t-il
avec colère, en lui montrant la
lettre ? Rien ne saurait donner une idée de
l'étonnement de Sùn. Il comprit qu'il
était victime d'une machination infâme, mais telle était
sa stupéfaction, qu'il
ne put proférer une parole. Il éclata en gémissements. Cependant le roi lui dit encore : — Je n'aurais jamais attendu cela de vous.
— Sire, je n'y comprend rien, dit le
malheureux Sùn. Ces mots exaspérèrent le roi. Ah, vous n'y
comprenez rien, s'écria-t-il.
Mais, me direz vous quel est l’auteur de cette lettre ?
— En tous cas, ce n'est pas moi Sire. — Naturellement. Mais veuillez m'écouter.
Vous savez ce que c'est que la
fumée. — Oui, Sire. — Eh bien, quand on met du bois dans la
cheminée, et qu'on ne l'allume pas,
il ne s'élève pas de fumée. Au contraire, si on
l'allume, il se produira
immanquablement do la fumée. Je veux dire par là, que si
vous n'étiez pas animé
à mon égard d'intentions hostiles, vous n'eussiez pas
adressé cette lettre à
votre ami. — Sire, je vois d'où me vient ce malheur.
Les révélations que je vous ai
faites m'ont attiré l'inimitié de certains personnages
qui ont intérêt à ma
perte. Je vous jure que je suis innocent. — C'est tout ce que vous avez à dire pour
votre défense ? Cela suffit. Le roi laissant Sùn, en proie au
désespoir, s'éloigna. Il ordonna au
premier ministre de bannir Sùn, et de lui assigner comme
lieu d'exil Kang-Syn.
San-Houni, compromis dans cette affaire, fut exilé à
Ko-Koum-To. Rentré chez lui, sous la conduite d'un
agent de police, Sùn informa son
épouse de ce qui lui arrivait. La malheureuse femme fut
au comble du désespoir.
« Que t'avais-je dit, l'autre jour» dit-elle à son mari.
Mais elle se ressaisit
bien vile et envisagea d'un oeil calme le malheur qui
venait de fondre sur eux.
Celui-ci lui donna le bon exemple, en ajoutant : — Résignons-nous, ma chère amie. Sans
doute, il nous sera pénible de vivre
ainsi loin de notre roi. Mais au moins, nous aurons la
tranquillité, à
l'avenir. On s'occuppa sans retard des préparatifs
du départ. Sùn fit appeler les
familles pauvres, auxquelles il distribua l'argent qu'il
possédait. Bientôt, le moment de partir arriva.
Sùn-Hyen et sa femme, durent
s'arracher des bras de leurs parents et de leurs amis
éplorés. |